12 décembre 2006

Chauffer la Belgique au bois

Laurent Minguet a tout du «serial entrepreneur». Elu Manager de l’Année en 2004 par Trends-Tendances aux côtés de Pierre L’Hoest, avec qui il a fondé le groupe EVS Broadcast Equipment, il est aujourd’hui administrateur délégué de XDC, sa filiale spécialisée dans le cinéma numérique. Mais cet environnementaliste convaincu, ingénieur physicien de formation, consacre une partie de son temps à d’autres projets comme Horizon Pléiades, une société active dans la construction thermo-efficace, ATS, une entreprise d’installation de panneaux solaires, ou Coretec Engineering, un bureau d’études spécialisé dans la cogénération et la biomasse. «Mon objectif, aujourd’hui, n’est pas de devenir plus riche, mais de m’occuper davantage des autres et du futur», assure Laurent Minguet.
Cet été, dans sa villa du Lubéron, il a planché sur un ambitieux plan de production de chaleur et d’électricité pour la Belgique. Il l’a résumé en un document de 13 pages, accompagné d’une présentation PowerPoint, qu’il a déjà soumis aux ministres wallons Jean-Claude Marcourt et André Antoine, ou à Philippe Bodson, ancien patron de Tractebel et président du GRE (Groupement de Redéploiement Economique pour le pays de Liège). (...)

Lire en PDF l’intégralité de cet article (3 pages) de Christine Scharff paru dans Trends/Tendance (30/11/2006).

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25 août 2006

Croissance et décroissance

La croissance dont un quelconque ministre a parlé ce matin à la radio signifie croissance du produit intérieur brut, à savoir de la somme des valeurs ajoutées d’un pays ou de la somme des salaires déclarés. Le ministre comme le syndicaliste croit qu’en augmentant la croissance d’au moins 2%, on va créer de l’emploi. En fait, c’est l’inverse, si l’emploi augmente, on constatera une augmentation logique de la somme des salaires.

Le ministre croît aussi que la croissance est forcément bonne pour le pays. En fait, le PIB ne comptabilise que la valeur ajoutée et non la valeur soustraite par l’obsolescence, les catastrophes, les accidents… Supposons par exemple, qu’un ouragan cause d’énormes dégâts aux voiries, habitations, véhicules… A cet instant, le PIB n’en sera pas affecté ce qui est un non sens vis-à-vis des conséquences dramatiques que le pays tout entier traverserait. La reconstruction et la remise en ordre de ce drame augmenterait sensiblement le PIB ce qui constituerait une deuxième erreur d’appréciation puisqu’après, nous en serions revenu au point de départ.

Comme le dit Jean-Marc Jancovici dans son ouvrage Le plein s’il vous plaît, la comptabilité nationale est comparable à celle d’une épicerie qui se soucierait seulement du tiroir caisse et non des stocks et de leur variation contrairement à la comptabilité de n’importe quelle PME.

Pris au pied de la lettre, la croissance du PIB nous encourage à surconsommer pour produire davantage de «richesses». La croissance de la consommation engendrerait une croissance du PIB salutaire. Ce dogme semble particulièrement bien adopté aux USA tant dans la croissance horizontale de l’embonpoint de la population que de l’espace mémoire nécessaire pour qu’un ordinateur affiche «coucou» à l’écran.

Faut-il pour autant en déduire par opposition que le salut est dans la décroissance ? de quoi ? du PIB ? de la consommation ?

Nicholas Georgescu-Roegen, le pape de la décroissance, écrit que la consommation des matières premières conduit à leur épuisement. Dans son ouvrage sur la décroissance, il expose les limites du recyclage en affirmant que l’or de votre alliance se dissémine irrémédiablement dans la nature selon le deuxième principe de la thermodynamique et que les particules de pneus abandonnées le long des routes ne pourront jamais être recyclées. Les stocks de toute matière sont ainsi condamnés à se raréfier inéluctablement quelque soit le rythme de consommation.

Je ne partage pas cet avis.

Les particules de pneu abandonnées sur la route finiront par s’oxyder en H2O et CO2 lesquels rentreront dans leurs cycles respectifs, mus par l’énergie solaire, pour redonner de la biomasse laquelle peut-être transformée en pétrole pour redonner un beau pneu tout neuf.

De même, sur un terme très long, les minéraux soumis à des réactions physico-chimiques complexes peuvent être amenés à se concentrer dans des gisements hors desquels, grâce à l’énergie, on pourra les concentrer pour les réutiliser indéfiniment.

Seules les réactions nucléaires détruisent à jamais les éléments de la matière. Une fois le stock d’uranium épuisé ou raréfié, il n’y aura plus de débat sur la sortie du nucléaire.

L’énergie peut toujours réordonner le désordre d’un système. C’est ce que les physiciens appellent parfois le troisième principe de la thermodynamique : les structures dissipatives. En fournissant de l’énergie à un système on peut créer des structures alors que la tendance naturelle les conduit au chaos. Ce principe a pu mettre en place des structures dissipatives aussi évoluées que la vie et nous-mêmes. Sans un flux quotidien d’énergie chimique, notre corps se meurt. Il retourne en poussière. De même, la plante requiert du rayonnement solaire pour croître en associant le carbone du CO2, l’eau, l’azote, un peu de phosphate et de potassium.

Globalement, donc, l’Univers tendrait vers le chaos mais localement, notre minuscule petite planète perdue au milieu d’un vide hostile reçoit chaque année plus de 6.000 fois la quantité d’énergie que l’humanité consomme actuellement. La biomasse n’en capte même pas un pour mille.

Capturée, domptée, cette énergie inouïe ou même une fraction tenue de celle-ci pourrait largement permettre la croissance de notre confort et de notre bien être matériel en satisfaisant nos besoins de base: se nourrir, boire, se déplacer, se loger, se chauffer, se soigner mais aussi s’instruire, se distraire… En fait, quasi tous les actes humains réclament de l’énergie et transforment de la matière, même dormir ou penser.

La croissance ou la décroissance de la consommation des stocks sont de faux problèmes qui ne conduisent l’humanité nulle part. Ce sont les flux d’énergie du soleil combinés aux cycles naturels ou artificiels qui nous permettrons de vivre, probablement mieux et pendant des millions d’années.

Laurent Minguet


Cet article a également été publié et discuté sur AgoraVox. Pour y réagir, rendez-vous ici.

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30 mai 2006

L’énergie verte, une chance


Le prix de l’énergie augmente. Une calamité? Pourquoi ne pas plutôt y voir une chance pour nos industries: celle de fournir les solutions qui permettront de s’affranchir des pratiques polluantes.

L’énergie est une composante fondamentale de l’économie et de l’industrie. Que se soit pour la production des commodités, des produits semi-finis, finis ou de haute technologie, l’énergie est utilisée dans des proportions diverses par rapport à la valeur ajoutée. Elle se retrouve aussi indirectement dans les processus industriels tant au niveau des outils de production que des ateliers et bureaux, des transports de produits et de travailleurs.
En Belgique, 77% de l’énergie primaire provient des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), 21% du nucléaire et 2% des énergies renouvelables.
Les énergies fossiles et fissiles proviennent de stocks. Par définition, ceux-ci ne sont pas inépuisables.
De plus, la production et l’exploitation des énergies engendre des pollutions diverses. Les énergies fossiles produisent du C02, des acides, des suies, surtout le charbon. L’énergie nucléaire produit du plutonium et des déchets radioactifs dont l’activité dure jusqu'à plusieurs centaines de milliers d’années. Or le développement durable consiste à satisfaire nos besoins sans empêcher les générations futures à satisfaire les leurs. Nous avons donc la responsabilité de résoudre nos problèmes en léguant des solutions et pas de trouver des solutions qui laisseront des problèmes.

Quelle est l’échéance de ces énergies ?

Les gisements de pétrole exploitables connus ou estimés sont de 130 Gtep dont les 2/3 au moyen orient. Depuis une vingtaine d’années, le rythme de découvertes est inférieur à la consommation. Les réserves de gaz naturel sont d’un même ordre de grandeur. De plus en plus demandé, le prix du gaz devrait augmenter comme celui du pétrole. Les réserves de charbon sont nettement plus importantes. Si le charbon devait subvenir seul à nos besoins comme ce fût le cas jusqu’au 19e siècle, nous en aurions pour 60 ans au rythme de consommation actuelle. Son prix est plus stable que celui du gaz et du pétrole.
Enfin les réserves d’uranium extractibles à moins de 130 $/kg, soit plus de 3 fois le prix actuel, sont de 58 Gtep pour une consommation annuelle de 0,7 Gtep par 440 centrales dans le Monde. Si le nucléaire devait remplacer les énergies fossiles comme on le croyait dans les années septante, les réserves seraient consommées en 6 ans… La surgénération qui consiste à utiliser le plutonium dans des centrales plutôt que dans des bombes, a été abandonnée par la France en 1997 après 30 années de recherches et d’expérimentations infructueuses. L’utilisation du plutonium (5%) mélangé à de l’uranium (95%) dans les centrales classiques sous la forme de MOX coûte 145 M€ supplémentaires par tonne de plutonium. Il s’agit plutôt d’un processus d’élimination de ce déchet cependant fort controversé. La fusion nucléaire contrôlée ne devrait pas permettre de fournir de l’énergie avant, dans le meilleur des cas,2050. Beaucoup d’inconnues sur ce processus demeurent et rien ne garantit que les obstacles technologiques puissent être tous levés.

Mais alors que faire?

Il n’est donc pas prudent de miser toute notre politique énergétique sur des hypothétiques découvertes de technologies ou de gisements. Il est beaucoup plus sage de compter sur des ressources inépuisables et des technologies avérées. A l’ombre d’un charbon puis d’un pétrole bon marché, les énergies renouvelables ne se sont guère développées au 20e siècle sauf dans certains cas comme l’hydroélectricité en montagne, la biomasse au Brésil, l’éolien au Danemark, la géothermie en Islande…

Le solaire et la biomasse

L’inconvénient des flux d’énergie du soleil (solaire direct, vents, hydraulique, biomasse…) est leur forte dispersion et leur variabilité. Par contre, ces flux sont relativement prévisibles, constants et largement disponibles. Les flux d’énergie primaire sont des milliers de fois supérieurs à notre consommation actuelle. Le problème est de capter, concentrer et stocker ces flux énergétiques utilisés en cocktail afin de couvrir tous nos besoins. D’après le professeur Martin de l’UCL, le potentiel mondial du vent, de la houle et des courants est de 400 TW, plus de 30 fois la consommation d’énergie, loin derrière les 82.000 TW de rayonnement que notre planète reçoit chaque année, 6.000 fois notre consommation d’énergie. Les technologies pour capter et concentrer ces flux existent depuis longtemps : le bois de chauffe, les moulins à vent, les moulins à eau… Aujourd’hui, le développement des technologies des matériaux, de l’électronique, de l’aérodynamique, de la chimie…permettent de multiplier le rendement de ces techniques rudimentaires. Même un pays au climat ingrat comme la Belgique reçoit chaque année, sur 60m², l’énergie primaire consommée par habitant.

Le stockage de l’énergie

Aujourd’hui, les bons vieux accumulateurs au plomb offrent un rendement jusqu’à 75% et des taux de recyclage satisfaisants (90%) mais des procédés développés par Umicore, par exemple, permettront d’utiliser d’autres accumulateurs recyclables, plus légers, problème clé du stockage de l’électricité. De même, les développements sur la pile à combustible permettent d’obtenir des rendements électriques de 60% qui ignorent le principe de Carnot. La pile à combustible existe depuis la nuit des temps puisqu’elle permet à toute la faune animale de produire sa force motrice avec des « carburants » plutôt variés…

Last but not least: les économies d’énergies

Le plus grand gisement d’énergie se trouve dans l’efficience énergétique. Par exemple, en Belgique, 80% de l’énergie du secteur résidentiel et tertiaire est utilisée pour le chauffage des bâtiments. Aujourd’hui, les techniques du bâtiment associées aux technologies d’isolation, de captation active, de régulation permettent de diminuer par 4 la facture énergétique soit une économie de plus de 3 milliards d’euros chaque année. De même, pour la consommation d’électricité, les améliorations des appareils électroménagers de classe A, les lampes économiques, la réduction des consommations de veille, la domotique… permettraient de réaliser facilement des économies annuelles de 10 TWh à 20 TWh soit 25% de la production d’électricité.
Les 10 Mtep de pétrole consacrés au transport pourraient être drastiquement diminué en focalisant l’industrie sur les moteurs à haut rendement, les véhicules hybrides et électriques, les piles à combustibles, en diminuant le poids des véhicules et leur puissance mal dimensionnée pour des autoroutes limitées à 120 km/h… mais aussi par un recours plus rationnel à l’automobile. L’amélioration des techniques de téléphonie et de vidéophonie participent également à restreindre les transports physiques. Les techniques de stockage d’énergie dans des batteries, de l’hydrogène ou du méthanol permettront la substitution du pétrole dans les transports. Ici aussi, il faut passer du laboratoire à l’usine.
Enfin, la cogénération, c’est-à-dire l’utilisation de la chaleur des centrales thermiques aujourd’hui jetée à l’eau ou dans l’atmosphère est un potentiel de plus de 10 Mtep, de quoi chauffer gratuitement nos bâtiments grâce à des réseaux de chaleur comme au Danemark, en Autriche, en France…

Energies renouvelables: un boom économique

Le développement durable n’est donc pas un fatras de règles contreproductives qui handicapent davantage nos entreprises face à celles des pays qui pratiquent un dumping social ou environnemental. C’est une panoplie vaste d’opportunités de développement de processus et produits nouveaux qui rendent obsolètes les vieilles technologies peu respectueuses de l’environnement. Par exemple, en développant les technologies éoliennes, il y a 20 ans, les danois, malgré leurs salaires élevés, contrôlent aujourd’hui un marché prometteur de 8 milliards d’euros relativement peu délocalisable. Les entreprises du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) dont Toyota, Dupont de Nemours, STmicroelectronics… ont commencé à réfléchir au développement durable après la conférence de Rio (1992). Aujourd’hui, la mise en pratique de ces idées leur a fait gagner des milliards de dollars et a renforcé leurs avantages compétitifs face à leurs concurrents.
Le renchérissement naturel du prix de l’énergie n’est donc pas une calamité mais une opportunité pour nos industries de fournir les solutions qui vont permettre à l’humanité de s’affranchir définitivement des pratiques temporaires et polluantes afin de pouvoir s’engager sur la voie du développement durable. Cette nécessaire course au rééquipement, tant chez l’industriel que chez le particulier, sera le moteur d’une formidable activité économique créatrice d’emplois ne visant plus au productivisme mais à conquérir au plus vite notre indépendance énergétique.

Laurent Minguet


Cette opinion a été publiée dans le quotidien belge La Libre Belgique du mercredi 3 mai 2006 (version PDF disponible ici). Elle a suscité la réaction de Jean-Luc Léonard, un journaliste scientifique de la revue Athena (Région wallonne), le 10 mai dans les colonnes du même quotidien. Cette réaction peut être consultée ici.


Ce texte a également été publié et discuté sur AgoraVox. Pour y réagir, rendez-vous ici.


Sources :
www.iea.org
mineco.fgov.be
www.cwape.be
www.nymex.com
www-fusion-magnetique.cea.fr
www.ieer.org/ensec/no-3/no3frnch/contents.html
www.itebe.org/portail/affiche.asp?num=269&arbo=1
chroniques.lucpire.be/minguet/now_future/html-n/ch02.html
www.wise-paris.org/francais/rapports/0302OekoskopFailliteEconomiePu.pdf

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