Sombres scénarios d’avenir
Combiner besoins en énergie, croissance économique et démographique, et réussir à en tirer des conclusions utilisables est un travail de spécialistes, entamé voici longtemps déjà par le Club de Rome, au début des années 1970, puis repris par le géologue étasunien Richard Duncan au milieu des années 1990.
The Limits to Growth
En 1972, le Club de Rome, commandait aux professeurs Donella et Dennis Meadows du fameux MIT (Massachusetts Institute of Technology) une étude sur les limites de la croissance. Ce document, The Limits to Growth, introuvable en version électronique, a fait grand bruit à l’époque: publié à des millions d’exemplaires, traduit en 28 langues, il est ensuite peu à peu tombé dans l’oubli. Il fait toutefois depuis peu l’objet de nouveaux et nombreux commentaires, à mesure que ses évaluations inquiétantes semblent trouver certaines confirmations dans les faits. Avant de disparaître prématurément, Donella Meadows, assistée de la même équipe, en avait fait une mise à jour .
L’étude de 1972 se base une modélisation mathématique intégrant 8 facteurs:
- la population
- le produit industriel brut par tête (exprimé en $)
- la ration alimentaire par personne (en kilos de grain)
- le niveau des services par personne (exprimé en $)
- la pollution
- les réserves de ressources non renouvelables
- le taux de natalité
- le taux de mortalité
Malgré les faibles moyens de calcul informatique de l’époque, et avec l’assistance de nombreux spécialistes dans tous les domaines concernés, l’équipe Meadows parvint à créer un modèle mathématique qui permet de relier entre elles toutes ces données, et de voir comment elles agissent en «boucles de rétroaction» les unes sur les autres. Par exemple: si la pollution augmente, les rendements agricoles diminuent, et la population également. Si la population baisse, les réserves de ressources non renouvelables s’épuisent moins vite et la pollution recommence à baisser, etc.
Meadows fait une série de constatations en prenant comme hypothèse que les tendances de 1970 sont maintenues. Elle prévoit ainsi que les quotas alimentaires connaîtront une forte baisse entre 2005 et 2010 et que la pollution diminuera fortement en 2030. La population, elle, augmente jusqu’en 2050 puis s’effondre… Les scientifiques s’évertuent ensuite à modifier une à une les données pour voir ce que la prévision devient. Ils imaginent ainsi successivement que les réserves d’énergie sont plus importantes que celles connues en 1970, que la population est stabilisée grâce à des politiques de contrôle des naissances, que les sources de pollution sont fortement réduites, etc.
De nombreux scénarios sont ainsi élaborés, avec un résultat aussi inattendu qu’inquiétant. Tous aboutissent à la même conclusion: une diminution brutale de la population accompagnée d’une dégradation significative des conditions de vie, le tout avant 2100. Seule la date et les enchaînements de cause changent, selon le scénario envisagé. Mais le résultat final est identique…
Olduvaï: une théorie encore plus pessimiste
La «théorie d’Olduvaï» est une hypothèse présentée en 1996 par le géologue Richard Duncan, et nommée ainsi en référence à la région de Tanzanie où ont été découverts les plus anciens fossiles préhominiens. C’est tout en travaillant pour une compagnie pétrolière que Duncan a développé cette théorie, articulée autour de l’importance de l’énergie pour la civilisation. Il propose de prendre pour indice la quantité d’énergie produite par habitant et de le suivre au cours de l’histoire. Il constate ainsi que cet indice est passé de 3,32 barils équivalent pétrole par habitant en 1930 à 11,15 bep/h en 1979 , pour décroître ensuite lentement.
Bien entendu, cette baisse n’est pas due à une diminution de la production (qui ne cesse de croître comme on l’a vu précédemment), ni à un usage plus raisonné de l’énergie, mais simplement au fait que la population du globe s’est accrue exponentiellement… Le quotient du chiffre de l’énergie produite par celui de la population est donc de plus en plus petit.
Mesurée sur toute la durée de l’aventure humaine, la période de 1930 à nos jours représente une croissance très élevée de la valeur de son indice. Mais Duncan va plus loin: il prédit que cette valeur va descendre dans un avenir très proche, pour retomber à un niveau proche de celui de 1930. Pour lui, la civilisation industrielle est un accident de l’Histoire d’une durée d’environ 100 ans, et même un accident terminal. En effet, selon lui, contrairement aux autres civilisations, qui sont apparues et se sont effondrées pour être remplacées par de nouvelles, la civilisation industrielle sera la dernière parce qu’elle aura épuisé toutes les ressources (pétrole, charbon, minéraux) essentielles pour le développement d’une nouvelle civilisation de haut niveau technologique.
Force est de constater que le mouvement de déclin de la consommation par tête annoncé par Duncan se confirme dans les faits. Quant à savoir si l’interprétation et surtout la prévision qu’il en tire est exacte, cela ne pourra être vérifié que… quand il sera trop tard.
Ce scénario catastrophe se résume comme suit. La production mondiale d’énergie par habitant devrait décroître à un rythme annuel d’environ 0,70% entre 2000 et 2011 (il s’agit bien de l’énergie par habitant et non de l’énergie totale produite, qui elle ne cesse de croître en chiffres absolus). Vers 2012, des pannes d’électricité d’abord récurrentes puis permanentes se produiront un peu partout dans le monde. La production d’énergie par habitant accélérera sa chute à un rythme de 5,44% par an entre 2012 et 2030. Autour de cette date, elle sera retombée à 3,32 bep/h par an, soit son niveau de 1930.
Note 1: (1930) le début de la Civilisation Industrielle
Note 2: (1979) pic absolu de tous les temps de la production d’énergie par tête
Note 3: (1999) la fin du pétrole bon marché
Note 4: (2000) éruptions de violences au Moyen-Orient
Note 5: (2006) pic absolu de la production de pétrole
Note 6: (2008) «basculement OPEP»: plus de 50% du pétrole provient de pays membres de l’OPEP
Note 7: (2012) Des pannes électriques se produisent partout dans le monde
Note 8: (2030) la production mondiale d’énergie chute au niveau de 1930
Dans un délai plus rapproché, Duncan identifie également un point crucial, situé en 2007 : c’est l’année où la quantité de pétrole produite par les pays de l’OPEP sera supérieure à celle produite par les producteurs non-OPEP (voir graphique ci-dessous). Cette organisation étant essentiellement composée de pays du Moyen-Orient, dominée par les «Big Five» à 94% (Iran, Irak, Koweït, Arabie Saoudite, et Emirats Arabes Unis), la situation sera telle que 4% de la population détiendra 46% des réserves pétrolières du monde. Sachant que l’essentiel des réserves de pétrole sera alors situé dans es pays musulmans, on imagine que la seconde guerre de Golfe pourrait devenir seulement la «deuxième»…
P.B.
The Limits to Growth
En 1972, le Club de Rome, commandait aux professeurs Donella et Dennis Meadows du fameux MIT (Massachusetts Institute of Technology) une étude sur les limites de la croissance. Ce document, The Limits to Growth, introuvable en version électronique, a fait grand bruit à l’époque: publié à des millions d’exemplaires, traduit en 28 langues, il est ensuite peu à peu tombé dans l’oubli. Il fait toutefois depuis peu l’objet de nouveaux et nombreux commentaires, à mesure que ses évaluations inquiétantes semblent trouver certaines confirmations dans les faits. Avant de disparaître prématurément, Donella Meadows, assistée de la même équipe, en avait fait une mise à jour .
L’étude de 1972 se base une modélisation mathématique intégrant 8 facteurs:
- la population
- le produit industriel brut par tête (exprimé en $)
- la ration alimentaire par personne (en kilos de grain)
- le niveau des services par personne (exprimé en $)
- la pollution
- les réserves de ressources non renouvelables
- le taux de natalité
- le taux de mortalité
Malgré les faibles moyens de calcul informatique de l’époque, et avec l’assistance de nombreux spécialistes dans tous les domaines concernés, l’équipe Meadows parvint à créer un modèle mathématique qui permet de relier entre elles toutes ces données, et de voir comment elles agissent en «boucles de rétroaction» les unes sur les autres. Par exemple: si la pollution augmente, les rendements agricoles diminuent, et la population également. Si la population baisse, les réserves de ressources non renouvelables s’épuisent moins vite et la pollution recommence à baisser, etc.
Meadows fait une série de constatations en prenant comme hypothèse que les tendances de 1970 sont maintenues. Elle prévoit ainsi que les quotas alimentaires connaîtront une forte baisse entre 2005 et 2010 et que la pollution diminuera fortement en 2030. La population, elle, augmente jusqu’en 2050 puis s’effondre… Les scientifiques s’évertuent ensuite à modifier une à une les données pour voir ce que la prévision devient. Ils imaginent ainsi successivement que les réserves d’énergie sont plus importantes que celles connues en 1970, que la population est stabilisée grâce à des politiques de contrôle des naissances, que les sources de pollution sont fortement réduites, etc.
De nombreux scénarios sont ainsi élaborés, avec un résultat aussi inattendu qu’inquiétant. Tous aboutissent à la même conclusion: une diminution brutale de la population accompagnée d’une dégradation significative des conditions de vie, le tout avant 2100. Seule la date et les enchaînements de cause changent, selon le scénario envisagé. Mais le résultat final est identique…
Olduvaï: une théorie encore plus pessimiste
La «théorie d’Olduvaï» est une hypothèse présentée en 1996 par le géologue Richard Duncan, et nommée ainsi en référence à la région de Tanzanie où ont été découverts les plus anciens fossiles préhominiens. C’est tout en travaillant pour une compagnie pétrolière que Duncan a développé cette théorie, articulée autour de l’importance de l’énergie pour la civilisation. Il propose de prendre pour indice la quantité d’énergie produite par habitant et de le suivre au cours de l’histoire. Il constate ainsi que cet indice est passé de 3,32 barils équivalent pétrole par habitant en 1930 à 11,15 bep/h en 1979 , pour décroître ensuite lentement.
Bien entendu, cette baisse n’est pas due à une diminution de la production (qui ne cesse de croître comme on l’a vu précédemment), ni à un usage plus raisonné de l’énergie, mais simplement au fait que la population du globe s’est accrue exponentiellement… Le quotient du chiffre de l’énergie produite par celui de la population est donc de plus en plus petit.
Mesurée sur toute la durée de l’aventure humaine, la période de 1930 à nos jours représente une croissance très élevée de la valeur de son indice. Mais Duncan va plus loin: il prédit que cette valeur va descendre dans un avenir très proche, pour retomber à un niveau proche de celui de 1930. Pour lui, la civilisation industrielle est un accident de l’Histoire d’une durée d’environ 100 ans, et même un accident terminal. En effet, selon lui, contrairement aux autres civilisations, qui sont apparues et se sont effondrées pour être remplacées par de nouvelles, la civilisation industrielle sera la dernière parce qu’elle aura épuisé toutes les ressources (pétrole, charbon, minéraux) essentielles pour le développement d’une nouvelle civilisation de haut niveau technologique.
Force est de constater que le mouvement de déclin de la consommation par tête annoncé par Duncan se confirme dans les faits. Quant à savoir si l’interprétation et surtout la prévision qu’il en tire est exacte, cela ne pourra être vérifié que… quand il sera trop tard.
Ce scénario catastrophe se résume comme suit. La production mondiale d’énergie par habitant devrait décroître à un rythme annuel d’environ 0,70% entre 2000 et 2011 (il s’agit bien de l’énergie par habitant et non de l’énergie totale produite, qui elle ne cesse de croître en chiffres absolus). Vers 2012, des pannes d’électricité d’abord récurrentes puis permanentes se produiront un peu partout dans le monde. La production d’énergie par habitant accélérera sa chute à un rythme de 5,44% par an entre 2012 et 2030. Autour de cette date, elle sera retombée à 3,32 bep/h par an, soit son niveau de 1930.
Note 1: (1930) le début de la Civilisation Industrielle
Note 2: (1979) pic absolu de tous les temps de la production d’énergie par tête
Note 3: (1999) la fin du pétrole bon marché
Note 4: (2000) éruptions de violences au Moyen-Orient
Note 5: (2006) pic absolu de la production de pétrole
Note 6: (2008) «basculement OPEP»: plus de 50% du pétrole provient de pays membres de l’OPEP
Note 7: (2012) Des pannes électriques se produisent partout dans le monde
Note 8: (2030) la production mondiale d’énergie chute au niveau de 1930
Dans un délai plus rapproché, Duncan identifie également un point crucial, situé en 2007 : c’est l’année où la quantité de pétrole produite par les pays de l’OPEP sera supérieure à celle produite par les producteurs non-OPEP (voir graphique ci-dessous). Cette organisation étant essentiellement composée de pays du Moyen-Orient, dominée par les «Big Five» à 94% (Iran, Irak, Koweït, Arabie Saoudite, et Emirats Arabes Unis), la situation sera telle que 4% de la population détiendra 46% des réserves pétrolières du monde. Sachant que l’essentiel des réserves de pétrole sera alors situé dans es pays musulmans, on imagine que la seconde guerre de Golfe pourrait devenir seulement la «deuxième»…
P.B.
Libellés : décroissance, pétrole