28 septembre 2006

Le franc-parler d’Eric Laurent

En complément du dossier sur la crise du pétrole, voici une interview d’Eric Laurent, auteur de La face cachée du pétrole (Plon, 2006). Laurent s’exprimait le 15 mars 2006 au journal télévisé de la nuit (Soir 3) sur France 3. Sur le fond, je n’aime pas sa conclusion: plus de pétrole, pas de nucléaire, ni d’énergies renouvelables. Mais c’est l’occasion de prouver le contraire.
L.M.




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11 septembre 2006

La fin du pétrole bon marché

Les factures de chauffage des ménages dérapent, les entreprises de transport disent adieu à la rentabilité, les automobilistes font la grimace à la pompe… Tout cela n’est rien à côté de ce qui pourrait suivre si, comme le pensent certains, 2005 a bien été l’année du «pic du pétrole».

La mauvaise nouvelle, c’est que ce mot de «certains» ne recouvre plus seulement des militants écologistes, mais des scientifiques, des organismes financiers, industriels, et des personnalités de tous bords, non suspects de mettre leurs déclarations au service d’idées «environnementalistes». L’inquiétude de tous tient en quelques mots: «Est-ce la fin du pétrole bon marché?». Si la réponse est oui, elle pourrait à elle seule expliquer non seulement le prix sans cesse croissant du pétrole brut, mais aussi la plupart des soubresauts militaires, économiques et politiques qui agitent actuellement le monde. Pour le comprendre, un détour par la géologie s’impose.

De quelles réserves dispose-t-on?

Chacun sait confusément que les réserves planétaires de pétrole ne sont pas infinies. Mais devant l’énormité des chiffres et l’étendue de temps considérée, cela ne semble pas avoir de conséquences concrètes à l’échelle d’une vie humaine. C’était vrai en 1960. Mais les chiffres actuels ne sont pas rassurants et, de plus, leur interprétation n’est pas évidente: selon l’expert français Jean-Marc Jancovici, les réserves de pétrole sont une notion subjective, «une simple déclaration de l’opérateur, qui correspond à ce que ce dernier est certain de pouvoir faire sortir de terre, compte tenu des informations géologiques, techniques, et économiques du moment.» Les réserves fluctuent donc en fonction du cours du brut (qui rend économiquement viable ou non, l’exploitation de certains champs) ou en fonction de ce qu’il est judicieux de dire aux actionnaires…

Les réserves varient d’après les définitions qu’on leur donne («prouvées», «incertaines», pétrole «conventionnel», «non conventionnel»...), elles-mêmes différentes selon le pays; elles varient aussi selon le taux de récupération prévu, dépendant lui-même du perfectionnement des techniques utilisées, et selon le cours du brut, qui justifie économiquement (1), ou interdit, le recours à ces techniques. Les réserves varient enfin en fonction des déclarations des producteurs et des glissements qu’ils opèrent, sur papier, entre ces catégories, pour des raisons stratégiques ou géopolitiques.

En janvier 2004, Shell annonçait que certaines réserves d’hydrocarbures devaient changer de catégorie: de réserves «prouvées» elles devaient passer en réserves «incertaines». Résultat: son action a perdu 7%, ce qui a eu pour effet de faire sauter des têtes à la direction de la compagnie… Par contre, d’après le rapport 2003 de BP sur l’énergie mondiale, l’Arabie Saoudite est passée, entre 1985 et 1990, de 169 milliards à 258 milliards de barils de réserves «prouvées», et les principaux producteurs de l’OPEP sont dans la même situation: Abu Dhabi (30 milliards de barils déclarés en 1985 contre 92 milliards en 1988), Iran (48 milliards en 1985, 92 milliards en 1988), Irak (44 milliards en 1985, 100 milliards en 1988), etc.

Rassurant? Voire… Car aucune découverte significative de nouveaux champs pétrolifères n’a eu lieu dans ces pays au cours de la période... Selon le docteur Colin Campbell (photo), un des fondateurs de l’ASPO (Association for the Study of the Peak Oil, composée de scientifiques et de cadres de compagnies pétrolières à la retraite), près de 50% des réserves actuelles déclarées par les principaux pays de l’OPEP sont «douteuses, sinon fausses».

Les «réserves» de pétrole ne sont donc, au mieux, que des statistiques, au pire, que des paris effectués par des géologues, et rendus publics seulement en partie, en fonction de besoins de communication stratégique. Il ne reste que deux certitudes: certaines réserves connues resteront inaccessibles économiquement ou techniquement, et toute réserve a une fin.

Les réserves en (faux) chiffres

Dans l’édition 2005 de son Statistical Review of World Energy, basée sur les chiffres officiels de toutes les compagnies, British Petroleum fait état de 1.188,6 Gb de réserves pétrolières mondiales (1 Gb ou Gigabaril équivaut à 1 milliard de barils de pétrole; 1 baril = 42 gallons US soit 158,97 litres). La consommation mondiale étant de 1 Gb tous les 11,5 jours (soit 86,96 millions de barils/jour), il est facile de calculer combien de temps ces réserves permettront à la consommation de continuer à ce rythme:

1.188,6 Gb x 11,5 jours = 13.668,9 jours soit 37,5 ans

Mais ce calcul simpliste est faux pour trois principales raisons:

1/ parce que les chiffres véritables sont connus des seules compagnies pétrolières. Il y a toutes les chances pour qu’ils soient systématiquement surévalués. Selon l’ASPO, les réserves réelles seraient de 777 Gb, soit 24,5 ans;

2/ parce que la croissance mondiale de la consommation et surtout l’explosion de la croissance économique de la Chine et de l’Inde pourraient faire doubler la consommation mondiale d’ici 2035; les 37,5 ans ou 24,5 ans, calculés sur la base de la consommation actuelle, pourraient ainsi se réduire fortement;

L’évolution dans le temps des découvertes de nouvelles réserves pétrolières par rapport à l’évolution de la consommation (source: ASPO – Association for the Study of Peak Oil).

3/ parce que de nouvelles découvertes vont compenser la consommation. Pas beaucoup hélas... car on n’a plus découvert de champ important depuis plusieurs années (voir graphique ci-dessus). Les spécialistes s’accordent à dire qu’il n’y a tout simplement plus de champ géant à découvrir sur cette planète. Nous vivons sur les découvertes faites voici 30 ans. Actuellement on découvre 1 nouveau baril pour 4 à 6 consommés.

La fin pour plus tard, les problèmes pour tout de suite!

À bord d’un bateau qui sombre, les passagers éprouvent de graves problèmes bien avant que la pointe du mât disparaisse sous la surface… Dans le cas du pétrole, il est clair que les problèmes seront là bien avant l’extraction de la dernière goutte de pétrole, qu’elle s’écoule dans 24,5 ou 37,5 ans. Ils commenceront quand le pétrole sera moins abondant, donc plus cher. Ils seront avérés quand la demande sera supérieure à l’offre.

Selon certains, le croisement entre offre et demande aura lieu en 2007, voire 2008. Dans 10 ans, selon les plus optimistes. «Maintenant», disent les pessimistes (lire «Sombres scénarios d’avenir»). Car selon eux, nous y sommes: d’après une source confirmée par les dires d’un expert iranien (lire ci-dessous), l’offre ne dépasse plus actuellement 83,80 millions de barils/jour (lire «Le géologue qui avait vu loin»). Et nous savons que selon BP, la demande est de 86,96 millions de barils/jour.

Il suffit de suivre l’actualité dans la presse quotidienne, qui fait état chaque semaine de raffineries à fond de capacité, d’investissements insuffisants lors de ces dernières années, causes de sous-capacité de raffinage, de pays producteurs incapables d’extraire plus de barils, de demande explosive de la Chine, pour rejoindre le clan des pessimistes.

Mohammad-Ali Khatibi, directeur du Centre international d’études énergétiques, bureau d’étude de l’OPEP basé à Téhéran, déclarait en juillet 2005 à l’agence de presse Pars que les producteurs de l’OPEP et non-OPEP ne seront pas capables de pourvoir à la demande du quatrième trimestre. Cet officiel, membre d’un organisme affilié au ministère du pétrole, annonçait que la production actuelle de 85 Mb/j serait dépassée par la demande croissante prévue à 87 Mb/j au quatrième trimestre 2005, mettant les pays producteurs devant 2 Mb/j à pomper en plus, ce qu’ils ne pourront pas faire (1 Mb ou Mégabaril équivaut à 1 million de barils).

Khatibi affirmait aussi que le manque de capacité de raffinage supplémentaire dans les pays consommateurs provoquerait sur les marchés mondiaux du brut plus d’instabilité que le manque de capacité de production par les pays de l’OPEP et non-OPEP. Pour rétablir la stabilité du marché, les producteurs ont besoin d’environ au moins 4 Mb/j supplémentaires à cause de la demande croissante, précisait-il. Mais l’absence de capacité de raffinage pour traiter toute nouvelle production va faire monter en flèche les prix mondiaux du pétrole, donnait-il en réponse aux raisons fondamentales de l’augmentation des prix du pétrole.

Khatibi déclarait aussi que la hausse des prix du pétrole jusqu’à 60$ le baril serait probable pour l’hiver 2005. Il concluait par: «Quelles que soient aujourd’hui les décisions des ministres de l’OPEP, cela n’aura pas d’effet tangible sur les prix du pétrole». Un chiffre de 60 US$ nous semblait de la science-fiction voici un an ou deux. Or l’examen des chiffres des derniers mois montre qu’en effet le cours du brut à New York, n’est descendu sous 60 US$ que pendant de très brèves périodes, et que depuis 2006, il oscille sans cesse autour de 70 US$…

L’Agence internationale de l’énergie a annoncé au printemps 2006 que la production russe de pétrole serait, dans les prochaines années, très en dessous des prévisions. Ce qui s’annonce pour l’immédiat n’est donc pas la fin du pétrole, mais la fin du pétrole bon marché. Ce qui n’est pas non plus une bonne nouvelle. Pourtant elle était connue de longue date, même si personne n’y a cru au début. Comme pour le réchauffement climatique…

Relire l’histoire récente... et l’actualité

La crise qui s’annonce serait donc cette fois d’origine géologique et non politique comme celle de 1973 (voir plus loin). Si c’est vrai, ses conséquences n’auront aucune commune mesure avec ce que nous avons connu précédemment. Selon certains analystes, toute la géopolitique mondiale peut être réinterprétée à la lumière de ces notions de géologie, ainsi que toute la stratégie militaire américaine de l’après-guerre, ou plutôt de l’après-pic de Hubbert américain (1970): la crise délibérément provoquée par l’OPEP en 1973, sachant le pic américain dépassé, l’activation en réplique par les pays occidentaux des champs pétroliers de la mer du Nord, puis la crise de 1979 liée à la révolution iranienne, qui permit à l’OPEP de reprendre la main, suivie par la contre-offensive américaine effectuée en armant Saddam Hussein, dont on sait ce qu’il advint.

Selon Wang Jian, un expert de la société de macroéconomie de Chine, les USA auront terminé dans 3 ans leur stratégie de main-mise sur les ressources d’énergie mondiales, probablement par l’occupation de l’Iran, déjà encerclé (Irak, Afghanistan, Pakistan, Etats du Golfe). Ce moment coïncidera avec une soif jamais égalée de la Chine pour le pétrole… L’affrontement sera inéluctable et rien ne dit qu’il se limitera au champ de bataille commercial.

Lue à travers cette grille d’interprétation, même l’actualité quotidienne prend d’étranges résonances: en juillet 2005, Shell annonçait comme par miracle la découverte d’un nouveau méga-champ de pétrole au Nigeria; le bras de fer entre la communauté internationale et l’Iran sur la question de sa production de matières fissiles s’accentue, comme si l’on préparait déjà l’opinion à la nécessité d’une intervention militaire; le pétrole poursuit son ascension (le baril est coté à plus de 68,75 $ à New York à l’heure d’écrire ces lignes [31/08/06], après avoir flirté avec les 77 $ pendant la moitié du mois) alors que paradoxalement la Bourse se porte bien… Inexplicable? Pas selon certains analystes qui assurent que cette embellie boursière est «réactionnelle» et annonce une baisse, voire pire.

Des prix cauchemardesques

«Avec un prix de 75 $ le baril maintenu pendant plusieurs mois, l’économie américaine pourrait entrer en récession, écrivait en 2005 Mark Zandi, chief economist de Economy.com, ce qui en fait rendrait improbable une hausse atteignant 100$. Je pense que l’économie s’effondrera avant que nous atteignions 100$», dit-il aussi. Or le baril dépasse 75$ régulièrement depuis juillet 2006 – les mois qui viennent permettront de vérifier cette affirmation.

Le groupe financier français Ixix CIB (Caisse d’épargne) n’est pas du même avis et affirme qu’il n’est «pas déraisonnable de prévoir un baril à 380 $, dans dix ans».

Avec des prix aussi cauchemardesques, le pétrole ne sera plus un combustible pour le grand public, mais une matière première précieuse réservée à des besoins vitaux. Ce sera évidemment la fin des compagnies aériennes low-cost et sans doute de l’aviation civile, de la voiture individuelle, la disparition de la mondialisation, le début de grosses difficultés dans la production agricole. Et puis? Des guerres du pétrole? Un changement de civilisation? Certains n’hésitent pas à l’affirmer. Car ces questions d’approvisionnement en énergie sont indissolublement intriquées avec deux autres notions qui occupent (ou devraient occuper) l’avant-scène de nos préoccupations: la croissance de la démographie mondiale (2) (lire à ce sujet «Le Protocole de Rome») et le réchauffement climatique, un problème longtemps nié lui aussi, alors qu’il suffit aujourd’hui d’ouvrir sa porte pour le voir à l’œuvre…

Tentative pour conclure…

«Nous devrions nous faire du souci. Le délai est court et nous n’en sommes même pas encore au point d’admettre que nous avons un problème», estime Chris Skrebowski, éditeur de la Petroleum Review, une publication mensuelle du Energy Institute de Londres.

La tentation est grande, bien entendu, de considérer tout ceci comme un roman de science-fiction. Et on aimerait trouver une profusion d’auteurs apportant des démentis crédibles, et surtout argumentés, pour réfuter ces théories apocalyptiques. Mais ils sont rares. Et lorsqu’ils s’expriment, leur optimisme tient plus de l’acte de foi que de la démonstration. Certains affirment que les milieux économiques sont même «mentalement incapables» d’envisager que le pétrole pourrait finir. Comme un malade en phase terminale, notre société hydrocarbonée serait-elle dans sa phase de déni?

Si même l’on suppose que les théories de Hubbert, Duncan, Meadows, Campbell, l’ASPO et tous les autres sont à 100% fausses, le seul fait que le secteur pétrolier souffre d’une sous-capacité d’extraction et de raffinage, due à des sous-investissements décidés par manque de marge bénéficiaire ces dernières années, ce simple fait suffit à prédire que le prix du pétrole se maintiendra à la hausse pendant la prochaine décennie, le temps que les nouveaux investissements nécessaires soient réalisés.

Une économie mondialisée repose entièrement sur une énergie bon marché. Si cette donnée change, l’économie change, et la société également. Des valeurs de proximité remplaceraient, par la force des choses, les valeurs de mobilité. Ce n’est plus d’évolution qu’il s’agit, mais de révolution. Ceux qui l’auront compris à temps auront un avantage décisif pour mieux vivre dans des conditions qui seront matériellement plus difficiles. Sans compter d’autres difficultés, d’ordre moral ou politique. Le tiers-monde se bouscule et s’infiltre déjà à nos portes par tous les moyens. Si les choses prennent la tournure qu’annoncent Meadows, Duncan et les autres, il est à craindre que les gouvernements occidentaux choisissent de refouler par la force une vague d’immigration clandestine qui aura pris les proportions d’une marée.

Et en attendant? Il suffit de regarder autour de soi: l’orchestre continue à jouer. Comme sur le Titanic.

Patrick Bartholomé


(1) A l’extrême, il devient non seulement économiquement insensé mais aussi
énergétiquement inutile d’exploiter un gisement de pétrole quand l’énergie employée pour extraire un litre est supérieure ou égale à celle contenue dans ce litre!
(2) La démographie mondiale dont on pensait voici 20 ans qu’elle plafonnerait à un chiffre catastrophique de 12 milliards d’individus, s’annonce aujourd’hui avec un plateau à 9 milliards. Cette révision est due à la baisse généralisée de la natalité dans la plupart des pays du monde. C’est probablement la seule bonne nouvelle de ces dernières années. Mais s’il faut en croire les tenants des théories de Meadows ou de Duncan (voir plus loin), la population pourrait revenir avant la fin du 21e siècle à un chiffre de 1 à 2 milliards. Bien évidemment, pas sous le seul effet des «départs naturels»…




RESSOURCES

Réserves de pétrole

En français: http://www.manicore.com/documentation/reserve.html
En anglais: http://www.manicore.com/anglais/documentation_a/oil_reserve.html
Association for the Study of the Peak Oil
ASPO: http://www.peakoil.ie
À lire en particulier, les newsletters de l’ASPO, en anglais et en français.

Déplétion pétrolière

En français:
http://www.transfert.net/a9643
http://www.dossiersdunet.com/article.php3?id_article=131
http://www.oleocene.org/index.php
http://wolf.readinglitho.co.uk/francais/index.html
http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&na...
En anglais:
http://www.lifeaftertheoilcrash.net/
http://home.entouch.net/dmd/Future_oil_supply.htm
http://www.hubbertpeak.com/
http://www.cge.uevora.pt/aspo2005/abstracts.php
http://www.powerswitch.org.uk/
http://wolf.readinglitho.co.uk/
http://www.seraph.demon.co.uk/Hubble.htm
http://dieoff.org/synopsis.htm

Presse écrite

«ChevronTexaco’s CEO banking on peak oil situation», San Francisco Chronicle.
«The end of oil is closer than you think»,
The Guardian.

Presse télé (BBC News)

«UK oil flow to become a trickle»
«When the last oil well runs dry»
«Oil and conflict - a natural mix»
«Head-to-head: Oil concerns»
«Is the world’s oil running out fast?»

Population mondiale: compteurs en direct et prévisions

http://www.census.gov/ipc/www/world.html
http://www.populationmondiale.com/
http://www-popexpo.ined.fr/
http://www.dieoff.org/
http://www.survivingpeakoil.com/

Limites de la croissance

http://www.revue-ddt.org/dossier001/D001_A02.htm
en français: www.manicore.com/documentation/club_rome.html
en anglais: www.manicore.com/anglais/documentation_a/club_rome_a.html
Olduvaï:
http://dieoff.org/page125.htm
http://dieoff.org/page133.htm
http://dieoff.org/page224.htm

Livres

En français:
La vie après le pétrole: De la pénurie aux énergies nouvelles, Jean-Luc Wingert, Autrement, 2005.
Les enjeux de l’énergie: Pétrole, nucléaire, et après?, Ludovic Mons, Larousse, 2006.
En anglais:
The End of Cheap Oil, Colin J. Campbell et Jean H. Laherrère, Scientific American, mars 1998, pages 78-83.
The End of Oil: On the Edge of a Perilous New World, Paul Roberts (2004).
Out of Gas: The End of the Age of Oil, David Goodstein (2004).
PowerDown: Options and Actions for a Post-Carbon World, by Richard Heinberg (2004).
High Noon for Natural Gas: The New Energy Crisis, by Julian Darley (2004).
Hubbert’s Peak: The Impending World Oil Shortage, by Kenneth S. Deffeyes (2003).
The Party’s Over: Oil, War and the Fate of Industrial Societies, by Richard Heinberg (2003).

Le prix du pétrole brut

Le cours du brut en direct.
Cours extrêmes depuis le 1/1/06:
Le + haut: 77,99 le 13/7/06
Le + bas: 57,70 le 15/2/06
Depuis janvier 1994:
Le + haut: 77,99 le 13/7/06
Le + bas: 10,72 le 10/12/98

Secteurs d’utilisation

Le pétrole est un produit stratégique utilisé dans un grand nombre de secteurs différents, ce qui en fait une denrée vitale et centrale dans l’économie mondiale. A titre d’exemple, à la sortie d’une raffinerie aux Etats-Unis, un baril (158,97 litres) de pétrole génère les quantités moyennes suivantes de produits raffinés:

Produit
Litres

carburants

gazole et mazout léger (fioul domestique)

kérosène (carburéacteur pour l'aviation)

mazout lourd (fret maritime, centrales thermiques, industries)

gaz de pétrole du raffinage

autres gaz (éthane, propane, butane)

coke

asphalte

bases pour la pétrochimie

lubrifiants

kérosène (ou pétrole lampant)

autres (cires, graisses)


73,8

34,8

15.2

8.7


7.2

7.2

6.8

4.9

4.5

1.9

0.7

1.1

Source: Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED)

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Le géologue qui avait vu loin

King Hubbert est un géologue étasunien qui a développé une méthode portant aujourd’hui son nom. Elle considère que toute production d’une ressource pétrolière (et non celle d’autres ressources) démarre à zéro, quand l’exploitation du gisement commence, finit également à zéro lorsque le gisement est totalement épuisé et passe nécessairement par un maximum, qui coïncide à peu près au moment où la moitié de la ressource a été extraite. Une fois le pic passé, la production ne peut que décroître. L’ensemble de la courbe prend une allure caractéristique en forme de cloche:


En 1956, Hubbert avait prédit pour 1970 la diminution de la production de brut des USA. Ce qui s’est produit. Le pic de production a été ensuite atteint en Libye (1970), Iran (1976), URSS (1987), Royaume-Uni (2000) et Norvège (2000). Au total, une soixantaine de pays auraient dépassé le pic. Selon certains experts, l’Arabie saoudite aurait également passé le cap.

Un pic de Hubbert moyen au niveau mondial peut être calculé. Il existe bien entendu des avis et déclarations contradictoires, non seulement sur la validité de cette théorie mais aussi sur le fait de savoir si le pic mondial est pour 2006, 2008, 2030… ou si les problèmes que nous vivons actuellement sont dus au fait que nous avons déjà atteint le pic mondial.
P.B.


Si le pic de Hubbert mondial a été effectivement atteint en 2005, voici à quoi pourrait ressembler désormais la courbe mondiale de production pétrolière.

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Sombres scénarios d’avenir

Combiner besoins en énergie, croissance économique et démographique, et réussir à en tirer des conclusions utilisables est un travail de spécialistes, entamé voici longtemps déjà par le Club de Rome, au début des années 1970, puis repris par le géologue étasunien Richard Duncan au milieu des années 1990.



The Limits to Growth

En 1972, le Club de Rome, commandait aux professeurs Donella et Dennis Meadows du fameux MIT (Massachusetts Institute of Technology) une étude sur les limites de la croissance. Ce document, The Limits to Growth, introuvable en version électronique, a fait grand bruit à l’époque: publié à des millions d’exemplaires, traduit en 28 langues, il est ensuite peu à peu tombé dans l’oubli. Il fait toutefois depuis peu l’objet de nouveaux et nombreux commentaires, à mesure que ses évaluations inquiétantes semblent trouver certaines confirmations dans les faits. Avant de disparaître prématurément, Donella Meadows, assistée de la même équipe, en avait fait une mise à jour .

L’étude de 1972 se base une modélisation mathématique intégrant 8 facteurs:
- la population
- le produit industriel brut par tête (exprimé en $)
- la ration alimentaire par personne (en kilos de grain)
- le niveau des services par personne (exprimé en $)
- la pollution
- les réserves de ressources non renouvelables
- le taux de natalité
- le taux de mortalité

Malgré les faibles moyens de calcul informatique de l’époque, et avec l’assistance de nombreux spécialistes dans tous les domaines concernés, l’équipe Meadows parvint à créer un modèle mathématique qui permet de relier entre elles toutes ces données, et de voir comment elles agissent en «boucles de rétroaction» les unes sur les autres. Par exemple: si la pollution augmente, les rendements agricoles diminuent, et la population également. Si la population baisse, les réserves de ressources non renouvelables s’épuisent moins vite et la pollution recommence à baisser, etc.

Meadows fait une série de constatations en prenant comme hypothèse que les tendances de 1970 sont maintenues. Elle prévoit ainsi que les quotas alimentaires connaîtront une forte baisse entre 2005 et 2010 et que la pollution diminuera fortement en 2030. La population, elle, augmente jusqu’en 2050 puis s’effondre… Les scientifiques s’évertuent ensuite à modifier une à une les données pour voir ce que la prévision devient. Ils imaginent ainsi successivement que les réserves d’énergie sont plus importantes que celles connues en 1970, que la population est stabilisée grâce à des politiques de contrôle des naissances, que les sources de pollution sont fortement réduites, etc.

De nombreux scénarios sont ainsi élaborés, avec un résultat aussi inattendu qu’inquiétant. Tous aboutissent à la même conclusion: une diminution brutale de la population accompagnée d’une dégradation significative des conditions de vie, le tout avant 2100. Seule la date et les enchaînements de cause changent, selon le scénario envisagé. Mais le résultat final est identique…



Olduvaï: une théorie encore plus pessimiste

La «théorie d’Olduvaï» est une hypothèse présentée en 1996 par le géologue Richard Duncan, et nommée ainsi en référence à la région de Tanzanie où ont été découverts les plus anciens fossiles préhominiens. C’est tout en travaillant pour une compagnie pétrolière que Duncan a développé cette théorie, articulée autour de l’importance de l’énergie pour la civilisation. Il propose de prendre pour indice la quantité d’énergie produite par habitant et de le suivre au cours de l’histoire. Il constate ainsi que cet indice est passé de 3,32 barils équivalent pétrole par habitant en 1930 à 11,15 bep/h en 1979 , pour décroître ensuite lentement.

Bien entendu, cette baisse n’est pas due à une diminution de la production (qui ne cesse de croître comme on l’a vu précédemment), ni à un usage plus raisonné de l’énergie, mais simplement au fait que la population du globe s’est accrue exponentiellement… Le quotient du chiffre de l’énergie produite par celui de la population est donc de plus en plus petit.

Mesurée sur toute la durée de l’aventure humaine, la période de 1930 à nos jours représente une croissance très élevée de la valeur de son indice. Mais Duncan va plus loin: il prédit que cette valeur va descendre dans un avenir très proche, pour retomber à un niveau proche de celui de 1930. Pour lui, la civilisation industrielle est un accident de l’Histoire d’une durée d’environ 100 ans, et même un accident terminal. En effet, selon lui, contrairement aux autres civilisations, qui sont apparues et se sont effondrées pour être remplacées par de nouvelles, la civilisation industrielle sera la dernière parce qu’elle aura épuisé toutes les ressources (pétrole, charbon, minéraux) essentielles pour le développement d’une nouvelle civilisation de haut niveau technologique.

Force est de constater que le mouvement de déclin de la consommation par tête annoncé par Duncan se confirme dans les faits. Quant à savoir si l’interprétation et surtout la prévision qu’il en tire est exacte, cela ne pourra être vérifié que… quand il sera trop tard.

Ce scénario catastrophe se résume comme suit. La production mondiale d’énergie par habitant devrait décroître à un rythme annuel d’environ 0,70% entre 2000 et 2011 (il s’agit bien de l’énergie par habitant et non de l’énergie totale produite, qui elle ne cesse de croître en chiffres absolus). Vers 2012, des pannes d’électricité d’abord récurrentes puis permanentes se produiront un peu partout dans le monde. La production d’énergie par habitant accélérera sa chute à un rythme de 5,44% par an entre 2012 et 2030. Autour de cette date, elle sera retombée à 3,32 bep/h par an, soit son niveau de 1930.


Note 1: (1930) le début de la Civilisation Industrielle
Note 2: (1979) pic absolu de tous les temps de la production d’énergie par tête
Note 3: (1999) la fin du pétrole bon marché
Note 4: (2000) éruptions de violences au Moyen-Orient
Note 5: (2006) pic absolu de la production de pétrole
Note 6: (2008) «basculement OPEP»: plus de 50% du pétrole provient de pays membres de l’OPEP
Note 7: (2012) Des pannes électriques se produisent partout dans le monde
Note 8: (2030) la production mondiale d’énergie chute au niveau de 1930


Dans un délai plus rapproché, Duncan identifie également un point crucial, situé en 2007 : c’est l’année où la quantité de pétrole produite par les pays de l’OPEP sera supérieure à celle produite par les producteurs non-OPEP (voir graphique ci-dessous). Cette organisation étant essentiellement composée de pays du Moyen-Orient, dominée par les «Big Five» à 94% (Iran, Irak, Koweït, Arabie Saoudite, et Emirats Arabes Unis), la situation sera telle que 4% de la population détiendra 46% des réserves pétrolières du monde. Sachant que l’essentiel des réserves de pétrole sera alors situé dans es pays musulmans, on imagine que la seconde guerre de Golfe pourrait devenir seulement la «deuxième»…
P.B.

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