Carte jaune au nucléocrate
Ci-dessous, une réaction à une carte blanche publiée sous la plume de Sam Emmerechts, juriste à l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE, dans Le Soir du 23 janvier dernier. A toutes fins utiles, le texte de M. Emmerechts est disponible ici.
Dans sa carte blanche du 23 janvier, Sam Emmerechts, juriste à l’Agence pour l’énergie nucléaire, recommande cette énergie pour la Belgique en appelant au bon sens et au réalisme. A l’entendre, l’énergie nucléaire serait la seule capable de répondre aux grands défis de la Belgique: indépendance énergétique, accord de Kyoto, énergie compétitive…
Une fois de plus, le lobby nucléaire confond énergie et électricité. La Belgique importe environ 60 millions de tonnes équivalent pétrole (60 Mtep) d’énergie primaire chaque année. Trois quarts de cette énergie demeure fossile: pétrole, gaz (méthane), charbon. Le nucléaire ne représente que 21% de cette énergie et encore, seulement un tiers est convertie en électricité utile. Les deux-tiers restants, de la chaleur non exploitée, constituent une «pollution thermique» qui est rejetée dans les cours d’eau.
Réduire nos émissions de CO2 pour respecter les accords de Kyoto n’est pas possible avec le nucléaire. En effet, la production d’électricité nucléaire, peu flexible, atteint déjà un maximum en fournissant l’électricité de base, environ 60% de la production belge. Il est nécessaire de faire appel à des petites unités de production flexibles comme les centrales TGV (turbine gaz vapeur) pour compléter l’offre afin de satisfaire la demande. 100% nucléaire ou 100% éolien serait impossible.
En dehors de l’électricité, l’énergie primaire est utilisée pour le chauffage des bâtiments (20%), les transports (17%), l’industrie (20%). Le nucléaire n’y apporte pas de réponse à moins de revenir à l’impayable chauffage électrique.
J’ai démontré dans un rapport publié sur NowFuture.org la possibilité de produire toute notre électricité et tout le chauffage des bâtiments en généralisant la production d’électricité par des centrales électriques à biomasse qui cogénèrent de la chaleur distribuée par des réseaux d’eau chaudes. Ce plan belge de cogénération à la biomasse permettrait de substituer environ 33 Mtep, soit 55% de notre énergie primaire, par de l’énergie renouvelable et de pulvériser les objectifs belges de Kyoto en réduisant nos émissions de CO2 de 45%.
De plus, ce nouveau mode de production d’énergie coûterait globalement 25% de moins que nos méthodes actuelles non durables (un mix de nucléaire, de gaz et de charbon pour l’électricité; du gaz et du mazout pour le chauffage).
Les incitants fiscaux pour ce mode de production énergétique existent déjà, permettant un financement privé et même lucratif générant énormément de valeur ajoutée donc créant beaucoup d’emplois.
Quant à la production de biomasse, elle existe déjà partout dans le monde et peut être développée, de façon écologiquement durable, dans les pays tropicaux principalement. C’est, pour eux, une immense opportunité de développer une économie rentable, utilisant leurs vrais avantages compétitifs: eau, terre, soleil et main d’œuvre peu qualifiée leur permettant de lutter contre la désertification et de reprendre place dans l’économie internationale dans un vrai partenariat nord-sud.
N’est-il quand même pas plus décent d’offrir un travail d’exploitant forestier rémunéré 10$ par jour que d’envoyer des enfants dans des mines d’uranium, au péril de leur vie, pour 2$ quotidiens?
Pour un petit pays comme la Belgique, les 70 Mt de biomasse nécessaires sont déjà présentes actuellement sur les marchés internationaux. Dans son rapport 2005 sur les forêts, la FAO estime à 500 Mt la quantité de biomasse actuellement inutilisée dans le monde. Quant à la production de biomasse mondiale continentale, elle est actuellement de 50.000 Mt, plus de deux fois la consommation mondiale d’énergie primaire ou plus de 30 fois la consommation d’énergie nucléaire.
Rappelons-nous que les stocks d’uranium comptabilisés par l’OCDE en 2005 s’élèvent à 55 Gtep, soit seulement cinq années de consommation mondiale d’énergie primaire. Au rythme actuel, il y en aurait pour une soixantaine d’années car le nucléaire ne fournit que 6% de l’énergie dans le monde. Mais si le nucléaire devait fournir autant que les énergies renouvelables, 14%, la pénurie arriverait après 25 ans. Comment dès lors rentabiliser l’investissement d’une centrale?
Imaginez un instant qu’un dysfonctionnement ou qu’un terroriste crée un problème majeur dans une des 440 centrales de la planète. Tous ces investissements seraient de nouveau mis en cause les rendant obsolètes. Quel investisseur rationnel prendra un tel risque? Aucun. Seul un Etat influencé par le lobby nucléaire pourrait commettre une telle erreur de jugement.
Quant aux déchets, les problèmes sont connus depuis 60 ans et n’ont toujours pas de solution satisfaisante: après le largage en mer, l’enfouissement, on parle de la transmutation dont il semble qu’elle dépense davantage d’énergie que les déchets traités en ont généré.
Personne ne demande de fermer les centrales au 1er janvier prochain. Le gouvernement belge a prévu une sortie progressive étalée jusqu’en 2025. Mais au lieu de passer un temps précieux à prolonger la vie de vieilles centrales, il faut rapidement mettre en œuvre la production d’énergie renouvelable et les économies d’énergies plutôt que de persévérer dans une voie sans issue à moyen terme.
Laurent Minguet
Dans sa carte blanche du 23 janvier, Sam Emmerechts, juriste à l’Agence pour l’énergie nucléaire, recommande cette énergie pour la Belgique en appelant au bon sens et au réalisme. A l’entendre, l’énergie nucléaire serait la seule capable de répondre aux grands défis de la Belgique: indépendance énergétique, accord de Kyoto, énergie compétitive…
Une fois de plus, le lobby nucléaire confond énergie et électricité. La Belgique importe environ 60 millions de tonnes équivalent pétrole (60 Mtep) d’énergie primaire chaque année. Trois quarts de cette énergie demeure fossile: pétrole, gaz (méthane), charbon. Le nucléaire ne représente que 21% de cette énergie et encore, seulement un tiers est convertie en électricité utile. Les deux-tiers restants, de la chaleur non exploitée, constituent une «pollution thermique» qui est rejetée dans les cours d’eau.
Réduire nos émissions de CO2 pour respecter les accords de Kyoto n’est pas possible avec le nucléaire. En effet, la production d’électricité nucléaire, peu flexible, atteint déjà un maximum en fournissant l’électricité de base, environ 60% de la production belge. Il est nécessaire de faire appel à des petites unités de production flexibles comme les centrales TGV (turbine gaz vapeur) pour compléter l’offre afin de satisfaire la demande. 100% nucléaire ou 100% éolien serait impossible.
En dehors de l’électricité, l’énergie primaire est utilisée pour le chauffage des bâtiments (20%), les transports (17%), l’industrie (20%). Le nucléaire n’y apporte pas de réponse à moins de revenir à l’impayable chauffage électrique.
J’ai démontré dans un rapport publié sur NowFuture.org la possibilité de produire toute notre électricité et tout le chauffage des bâtiments en généralisant la production d’électricité par des centrales électriques à biomasse qui cogénèrent de la chaleur distribuée par des réseaux d’eau chaudes. Ce plan belge de cogénération à la biomasse permettrait de substituer environ 33 Mtep, soit 55% de notre énergie primaire, par de l’énergie renouvelable et de pulvériser les objectifs belges de Kyoto en réduisant nos émissions de CO2 de 45%.
De plus, ce nouveau mode de production d’énergie coûterait globalement 25% de moins que nos méthodes actuelles non durables (un mix de nucléaire, de gaz et de charbon pour l’électricité; du gaz et du mazout pour le chauffage).
Les incitants fiscaux pour ce mode de production énergétique existent déjà, permettant un financement privé et même lucratif générant énormément de valeur ajoutée donc créant beaucoup d’emplois.
Quant à la production de biomasse, elle existe déjà partout dans le monde et peut être développée, de façon écologiquement durable, dans les pays tropicaux principalement. C’est, pour eux, une immense opportunité de développer une économie rentable, utilisant leurs vrais avantages compétitifs: eau, terre, soleil et main d’œuvre peu qualifiée leur permettant de lutter contre la désertification et de reprendre place dans l’économie internationale dans un vrai partenariat nord-sud.
N’est-il quand même pas plus décent d’offrir un travail d’exploitant forestier rémunéré 10$ par jour que d’envoyer des enfants dans des mines d’uranium, au péril de leur vie, pour 2$ quotidiens?
Pour un petit pays comme la Belgique, les 70 Mt de biomasse nécessaires sont déjà présentes actuellement sur les marchés internationaux. Dans son rapport 2005 sur les forêts, la FAO estime à 500 Mt la quantité de biomasse actuellement inutilisée dans le monde. Quant à la production de biomasse mondiale continentale, elle est actuellement de 50.000 Mt, plus de deux fois la consommation mondiale d’énergie primaire ou plus de 30 fois la consommation d’énergie nucléaire.
Rappelons-nous que les stocks d’uranium comptabilisés par l’OCDE en 2005 s’élèvent à 55 Gtep, soit seulement cinq années de consommation mondiale d’énergie primaire. Au rythme actuel, il y en aurait pour une soixantaine d’années car le nucléaire ne fournit que 6% de l’énergie dans le monde. Mais si le nucléaire devait fournir autant que les énergies renouvelables, 14%, la pénurie arriverait après 25 ans. Comment dès lors rentabiliser l’investissement d’une centrale?
Imaginez un instant qu’un dysfonctionnement ou qu’un terroriste crée un problème majeur dans une des 440 centrales de la planète. Tous ces investissements seraient de nouveau mis en cause les rendant obsolètes. Quel investisseur rationnel prendra un tel risque? Aucun. Seul un Etat influencé par le lobby nucléaire pourrait commettre une telle erreur de jugement.
Quant aux déchets, les problèmes sont connus depuis 60 ans et n’ont toujours pas de solution satisfaisante: après le largage en mer, l’enfouissement, on parle de la transmutation dont il semble qu’elle dépense davantage d’énergie que les déchets traités en ont généré.
Personne ne demande de fermer les centrales au 1er janvier prochain. Le gouvernement belge a prévu une sortie progressive étalée jusqu’en 2025. Mais au lieu de passer un temps précieux à prolonger la vie de vieilles centrales, il faut rapidement mettre en œuvre la production d’énergie renouvelable et les économies d’énergies plutôt que de persévérer dans une voie sans issue à moyen terme.
Laurent Minguet