Les perles de Berger
Un collier radioactif de perles des champs, des mers, du vent, du désert...
Si vous avez envie de passer une bonne soirée, je vous recommande vivement d’assister à une conférence sur le réchauffement climatique du professeur émérite André Berger. Son discours suscite à la fois l’intérêt, l’indignation, le rire, souvent jaune, et la crainte du châtiment dernier...
Cela dit, n’oubliez pas d’emporter votre manuel de distanciation brechtienne, nécessaire à tous les spectacles, sans quoi vous finirez par croire que la machine à remonter le temps existe et que Jésus était l’époux de Marie-Madeleine. Comme dans un film hollywoodien, André Berger, brillant climatologue, amalgame certitudes et incertitudes scientifiques avec des sophismes les plus étonnants pour tenter de nous prouver qu’il est indispensable de recourir immédiatement au tout nucléaire et d’augmenter drastiquement les budgets de la recherche en climatologie.
Comme toute personne soucieuse de l’écologie et des générations futures, je connais depuis plus de 20 ans l’existence et les dangers liés à l’effet de serre anthropique – celui que l’homme génère en consommant les stocks fossiles un million de fois plus vite qu’ils ne se sont constitués. Depuis 1900, la température moyenne de la planète a augmenté de 0,5°C. Alors qu’il y a 15 ans, la plupart des décideurs haussaient les épaules quand les écologistes parlaient de l’effet de serre, aujourd’hui personne ne remet en cause cette évidence. Et cela fait plaisir d’avoir eu raison avant tout le monde.
Modèles sophistiqués mais imprécis
Lors de ses exposés, André Berger rappelle qu’une demi douzaine de modèles mathématiques sophistiqués, quoiqu’encore incomplets, prédisent à la fois une augmentation de la température moyenne comprise entre 1°C et 4°C et de la chaleur du globe faisant fondre glaciers et banquises, provoquant la dilatation des océans dont le niveau s’élèverait de 30 cm à 50 cm d’ici 2100.
Ces modèles sont imprécis car il existe une grande incertitude sur la consommation future de combustibles fossiles, consommation qui dépendra de la technologie et de la politique énergétique. D’autre part, certains paramètres complexes comme l’évolution de la nébulosité dont l’augmentation tend à faire diminuer la température, ne sont pas pris en compte. De même, il est encore un peu tôt pour affirmer rigoureusement que les cyclones seront statistiquement plus intenses même si cela semble probable.
Sales Ecolos, vilains Danois !
Mais après ce brillant tutorial, André Berger accuse tous les écologistes d’être les imposteurs du développement durable. En Belgique, ceux-ci seraient responsables d’une augmentation d’environ 20 millions de tonnes de CO2 dues à la sortie du nucléaire entre 2015 et 2025 en les remplaçant par des centrales TGV pour produire les quelques 46 millions de MWh d’électricité nucléaire que la Belgique consomme.
Les Danois, en prennent aussi pour leur grade. Berger les accuse de produire davantage de CO2 par kWh électrique (697 g) que le belge (326 g). Il est un fait que 80% de l’électricité danoise est produite par des centrales au charbon et 20% par des éoliennes alors que le Belge consomme une électricité à 60% nucléaire...
Et pourtant...
Ces chiffres paraissent a priori convaincants. Pourtant, en examinant les statistiques de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), on apprend que le Belge produit au total 10,9 t de CO2 contre 9,5 t de C02 pour le Danois. C’est parce qu’au Danemark, une bonne partie de la chaleur produite par les centrales thermiques est utilisée dans des réseaux de chaleur pour le chauffage des bâtiments privés, publics et industriels au lieu de rebrûler du gaz ou du mazout comme en Belgique.
Sachant que 60% de Copenhague est chauffé par ce principe dit de cogénération, quelle pourrait-être l’économie de CO2 que les Belges obtiendraient par la mise en œuvre de réseaux de chaleur? En effet, nous consommons annuellement 6,3 Mtep de pétrole et 5,3 Mtep de gaz naturel pour le chauffage résidentiel et tertiaire. Ces combustibles produisent environ 40 Mt de CO2 dont l’usage des réseaux éviteraient une bonne partie, au moins 50%, tout en offrant un chauffage moins cher et en créant énormément d’emplois. Nous en reparlerons.
Biocombustibles, séquestration, reforestation
Pour les maisons isolées, il est possible dès aujourd’hui de se chauffer au biocombustible sous forme de plaquettes ou de granulés de bois (nous publierons prochainement un dossier sur le sujet). C’est nettement moins cher que le mazout ou le gaz et cela produit globalement entre 5 à 10 fois moins de CO2.
Une autre manière d’éliminer le CO2 produit par les centrales TGV est de le séquestrer, c’est-à-dire de le capter au niveau des fumées pour le liquéfier ou le solidifier dans un sel afin de le stocker pour très longtemps. Cela coûte cependant encore assez cher, environ 30€ la tonne, davantage que le certificat de CO2 que devront acheter les pays n’ayant pas atteint l’objectif de Kyoto en 2010. Pour la Belgique, cet objectif est de 130 Mt contre 158 Mt en 2005. Il faut économiser 28 Mt de CO2!
Nous pouvons également participer à des programmes de reforestation hors de nos frontières, en zone tropicale. Replanter un hectare d’arbres peut absorber environ 30t de CO2 par an pour un coût inférieur à 5€ par tonne. Ainsi, la Belgique pourrait combler son déficit Kyoto actuel en plantant un million d’hectares de forêt, un beau geste de coopération bilatérale de 150 M€.
Cela offrirait du travail et de la richesse pour le prix d’une dette extérieure !
La perle des champs
André Berger ne croit pas à la biomasse comme substitut aux énergies fossiles.
Démonstration de Berger: il faut des années pour que pousse un arbre alors qu’on le brûle en quelques minutes, donc c’est impossible!
Réponse de la bergère: «Tiens c’est vrai, on peut se demander d’ailleurs pourquoi on cultive des légumes ou qu’on élève des animaux pendant plusieurs mois alors qu’on les consomme en quelques minutes, c’est aussi impossible?»
C’est précisément ce qui est intéressant, en plantant un arbre, il captera du CO2 pendant des années. Il suffit de le stocker quelques dizaines d’années jusqu’à ce que la concentration de CO2 dans l’air soit contrôlée. C’est nettement moins long et problématique que de stocker des déchets nucléaires pendant plus de 20.000 ans…
La perle du vent
-Berger: «Les éoliennes produisent du CO2 car quand il n’y a pas de vent, on est obligé de faire tourner des centrales TGV qui en produisent!»
-Bergère: «C’est comme les centrales nucléaires, quand elles ne sont pas capables de fournir le courant de pointe matin et soir, ce sont les centrales TGV qui les complémentent.»
La perle des mers
-Bergère: «Admettons que le niveau des mers s’élève de 40 cm en 2100, ne pourrait-on lutter contre les inondations en érigeant des digues? Après tout, une grande partie des Pays-Bas se trouve déjà 4 mètres sous le niveau de la mer.»
-Berger: «Je pense que les hommes continueront à consommer des énergies fossiles qui contribueront à faire monter le niveau davantage.»
-Bergère: «Mais comment puisque le gaz et le pétrole auront été substitués par l’énergie solaire ou, à l’entendre, nucléaire?»
-Berger: «Avec le charbon, pardi, qui, lui, existera encore pendant des siècles.»
-Bergère: «Mais pourquoi faire si les problèmes énergétiques sont surmontés?»
-Berger: «Pour fabriquer des médicaments qui ont besoin de carbone.»
-Bergère: «Tant de médicaments! Et pourquoi pas utiliser le carbone des arbres plutôt que de l’extraire du plus profond de la terre?». Fin d’argumentation.
La perle du désert
-Bergère: «Pas mal de pays, dont les USA et l’Espagne, mettent en œuvre des centrales solaires pour fabriquer de l’électricité. Ne pensez-vous pas que cette solution permette également d’en produire sans émettre de CO2?»
-Berger: «Non, cela ne marche pas car j’ai calculé qu’une telle surface induirait automatiquement des couvertures nuageuses au dessus des capteurs les privant ainsi de soleil.»
-Bergère: «Ce n’est pourtant pas ce qu’on constate dans le désert du Nevada, mais si vous avez trouvé la méthode pour fabriquer des nuages, c’est intéressant puisqu’ils abaissent drastiquement la température!»
La dernière, pour la route
-Bergère: «Et les économies d’énergie? Pour les transports, par exemple, on pourrait facilement économiser 10 Mt avec des moteurs plus sobres, en roulant un peu moins vite, en utilisant davantage les transports en commun, en se déplaçant moins, surtout dans les embouteillages?»
-Berger: «Je ne sais pas, je n’ai pas le temps d’en parler car je vais être en retard pour ma ballade en hélicoptère! (sic).»
Tiens, je croyais qu’il n’aimait pas les hélices!
Laurent Minguet
Les propos d’André Berger ont été recueillis aux Rencontres au Sommet de Deauville, en 2005.
Si vous avez envie de passer une bonne soirée, je vous recommande vivement d’assister à une conférence sur le réchauffement climatique du professeur émérite André Berger. Son discours suscite à la fois l’intérêt, l’indignation, le rire, souvent jaune, et la crainte du châtiment dernier...
Cela dit, n’oubliez pas d’emporter votre manuel de distanciation brechtienne, nécessaire à tous les spectacles, sans quoi vous finirez par croire que la machine à remonter le temps existe et que Jésus était l’époux de Marie-Madeleine. Comme dans un film hollywoodien, André Berger, brillant climatologue, amalgame certitudes et incertitudes scientifiques avec des sophismes les plus étonnants pour tenter de nous prouver qu’il est indispensable de recourir immédiatement au tout nucléaire et d’augmenter drastiquement les budgets de la recherche en climatologie.
Comme toute personne soucieuse de l’écologie et des générations futures, je connais depuis plus de 20 ans l’existence et les dangers liés à l’effet de serre anthropique – celui que l’homme génère en consommant les stocks fossiles un million de fois plus vite qu’ils ne se sont constitués. Depuis 1900, la température moyenne de la planète a augmenté de 0,5°C. Alors qu’il y a 15 ans, la plupart des décideurs haussaient les épaules quand les écologistes parlaient de l’effet de serre, aujourd’hui personne ne remet en cause cette évidence. Et cela fait plaisir d’avoir eu raison avant tout le monde.
Modèles sophistiqués mais imprécis
Lors de ses exposés, André Berger rappelle qu’une demi douzaine de modèles mathématiques sophistiqués, quoiqu’encore incomplets, prédisent à la fois une augmentation de la température moyenne comprise entre 1°C et 4°C et de la chaleur du globe faisant fondre glaciers et banquises, provoquant la dilatation des océans dont le niveau s’élèverait de 30 cm à 50 cm d’ici 2100.
Ces modèles sont imprécis car il existe une grande incertitude sur la consommation future de combustibles fossiles, consommation qui dépendra de la technologie et de la politique énergétique. D’autre part, certains paramètres complexes comme l’évolution de la nébulosité dont l’augmentation tend à faire diminuer la température, ne sont pas pris en compte. De même, il est encore un peu tôt pour affirmer rigoureusement que les cyclones seront statistiquement plus intenses même si cela semble probable.
Sales Ecolos, vilains Danois !
Mais après ce brillant tutorial, André Berger accuse tous les écologistes d’être les imposteurs du développement durable. En Belgique, ceux-ci seraient responsables d’une augmentation d’environ 20 millions de tonnes de CO2 dues à la sortie du nucléaire entre 2015 et 2025 en les remplaçant par des centrales TGV pour produire les quelques 46 millions de MWh d’électricité nucléaire que la Belgique consomme.
Les Danois, en prennent aussi pour leur grade. Berger les accuse de produire davantage de CO2 par kWh électrique (697 g) que le belge (326 g). Il est un fait que 80% de l’électricité danoise est produite par des centrales au charbon et 20% par des éoliennes alors que le Belge consomme une électricité à 60% nucléaire...
Et pourtant...
Ces chiffres paraissent a priori convaincants. Pourtant, en examinant les statistiques de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), on apprend que le Belge produit au total 10,9 t de CO2 contre 9,5 t de C02 pour le Danois. C’est parce qu’au Danemark, une bonne partie de la chaleur produite par les centrales thermiques est utilisée dans des réseaux de chaleur pour le chauffage des bâtiments privés, publics et industriels au lieu de rebrûler du gaz ou du mazout comme en Belgique.
Sachant que 60% de Copenhague est chauffé par ce principe dit de cogénération, quelle pourrait-être l’économie de CO2 que les Belges obtiendraient par la mise en œuvre de réseaux de chaleur? En effet, nous consommons annuellement 6,3 Mtep de pétrole et 5,3 Mtep de gaz naturel pour le chauffage résidentiel et tertiaire. Ces combustibles produisent environ 40 Mt de CO2 dont l’usage des réseaux éviteraient une bonne partie, au moins 50%, tout en offrant un chauffage moins cher et en créant énormément d’emplois. Nous en reparlerons.
Biocombustibles, séquestration, reforestation
Pour les maisons isolées, il est possible dès aujourd’hui de se chauffer au biocombustible sous forme de plaquettes ou de granulés de bois (nous publierons prochainement un dossier sur le sujet). C’est nettement moins cher que le mazout ou le gaz et cela produit globalement entre 5 à 10 fois moins de CO2.
Une autre manière d’éliminer le CO2 produit par les centrales TGV est de le séquestrer, c’est-à-dire de le capter au niveau des fumées pour le liquéfier ou le solidifier dans un sel afin de le stocker pour très longtemps. Cela coûte cependant encore assez cher, environ 30€ la tonne, davantage que le certificat de CO2 que devront acheter les pays n’ayant pas atteint l’objectif de Kyoto en 2010. Pour la Belgique, cet objectif est de 130 Mt contre 158 Mt en 2005. Il faut économiser 28 Mt de CO2!
Nous pouvons également participer à des programmes de reforestation hors de nos frontières, en zone tropicale. Replanter un hectare d’arbres peut absorber environ 30t de CO2 par an pour un coût inférieur à 5€ par tonne. Ainsi, la Belgique pourrait combler son déficit Kyoto actuel en plantant un million d’hectares de forêt, un beau geste de coopération bilatérale de 150 M€.
Cela offrirait du travail et de la richesse pour le prix d’une dette extérieure !
La perle des champs
André Berger ne croit pas à la biomasse comme substitut aux énergies fossiles.
Démonstration de Berger: il faut des années pour que pousse un arbre alors qu’on le brûle en quelques minutes, donc c’est impossible!
Réponse de la bergère: «Tiens c’est vrai, on peut se demander d’ailleurs pourquoi on cultive des légumes ou qu’on élève des animaux pendant plusieurs mois alors qu’on les consomme en quelques minutes, c’est aussi impossible?»
C’est précisément ce qui est intéressant, en plantant un arbre, il captera du CO2 pendant des années. Il suffit de le stocker quelques dizaines d’années jusqu’à ce que la concentration de CO2 dans l’air soit contrôlée. C’est nettement moins long et problématique que de stocker des déchets nucléaires pendant plus de 20.000 ans…
La perle du vent
-Berger: «Les éoliennes produisent du CO2 car quand il n’y a pas de vent, on est obligé de faire tourner des centrales TGV qui en produisent!»
-Bergère: «C’est comme les centrales nucléaires, quand elles ne sont pas capables de fournir le courant de pointe matin et soir, ce sont les centrales TGV qui les complémentent.»
La perle des mers
-Bergère: «Admettons que le niveau des mers s’élève de 40 cm en 2100, ne pourrait-on lutter contre les inondations en érigeant des digues? Après tout, une grande partie des Pays-Bas se trouve déjà 4 mètres sous le niveau de la mer.»
-Berger: «Je pense que les hommes continueront à consommer des énergies fossiles qui contribueront à faire monter le niveau davantage.»
-Bergère: «Mais comment puisque le gaz et le pétrole auront été substitués par l’énergie solaire ou, à l’entendre, nucléaire?»
-Berger: «Avec le charbon, pardi, qui, lui, existera encore pendant des siècles.»
-Bergère: «Mais pourquoi faire si les problèmes énergétiques sont surmontés?»
-Berger: «Pour fabriquer des médicaments qui ont besoin de carbone.»
-Bergère: «Tant de médicaments! Et pourquoi pas utiliser le carbone des arbres plutôt que de l’extraire du plus profond de la terre?». Fin d’argumentation.
La perle du désert
-Bergère: «Pas mal de pays, dont les USA et l’Espagne, mettent en œuvre des centrales solaires pour fabriquer de l’électricité. Ne pensez-vous pas que cette solution permette également d’en produire sans émettre de CO2?»
-Berger: «Non, cela ne marche pas car j’ai calculé qu’une telle surface induirait automatiquement des couvertures nuageuses au dessus des capteurs les privant ainsi de soleil.»
-Bergère: «Ce n’est pourtant pas ce qu’on constate dans le désert du Nevada, mais si vous avez trouvé la méthode pour fabriquer des nuages, c’est intéressant puisqu’ils abaissent drastiquement la température!»
La dernière, pour la route
-Bergère: «Et les économies d’énergie? Pour les transports, par exemple, on pourrait facilement économiser 10 Mt avec des moteurs plus sobres, en roulant un peu moins vite, en utilisant davantage les transports en commun, en se déplaçant moins, surtout dans les embouteillages?»
-Berger: «Je ne sais pas, je n’ai pas le temps d’en parler car je vais être en retard pour ma ballade en hélicoptère! (sic).»
Tiens, je croyais qu’il n’aimait pas les hélices!
Laurent Minguet
Les propos d’André Berger ont été recueillis aux Rencontres au Sommet de Deauville, en 2005.
Libellés : climat, désinformation, nucléaire