25 juillet 2006

Le Protocole de Rome

FICTION

15 mars 2016 : les gouvernements de la planète, face au taux d’accroissement de la population mondiale – danger encore plus dramatique que l’effet de serre –, se réunissent à Rome pour ratifier un protocole visant à limiter la croissance de l’espèce humaine.



La surface de notre planète représente environ 50 milliards d’hectares (50 Gha) dont seulement 30% de terre ferme, 15 Gha. On estime que cette surface renferme approximativement 10% de culture, 20% de pâtures, 30% de forêts et 40% de désert. Ainsi, les forêts s’étendent sur un peu moins de 4,5 Gha et les cultures, 1,5 Gha.

En 2004, la planète comptait 12 millions d’espèces vivantes, dont l’espèce humaine, forte de 6,4 milliards de personnes. On peut donc estimer qu’en moyenne, chaque habitant a besoin de 0,22 ha de culture pour se nourrir.

Le taux d’accroissement de la population mondiale est de 1,3%. Moins que la rémunération d’un compte en banque me direz-vous, mais cela fait tout de même 85 millions de nouveaux habitants chaque année. Soit un besoin de 18 millions d’hectares de cultures supplémentaires rien que pour les nourrir, tous les jours.

60.000 espèces chaque année

Depuis la préhistoire, l’homme brûle la forêt pour la transformer en culture. Cette méthode explique une partie des dizaines de millions d’hectares de forêts qui disparaissent chaque année, entre 1% à 2% selon les estimations.

Les modèles de biodiversité nous expliquent qu’un taux de disparition de 2% des forêts implique la disparition de 0,5% d’espèces vivantes soit 60.000 espèces chaque année, mais pas l’espèce humaine, rassurez-vous !

C’est inéluctable, la biomathématique établit qu’une espèce se développe au détriment d’autres permettant parfois une stabilisation de la population dominante, mais pas toujours.

Par exemple en 1944, des biologistes décidèrent d’introduire quelques 29 rennes sur la petite île Saint Matthew. Ils avaient estimés que leur population devait croître pour se stabiliser aux environs de 1.900 têtes équilibrant ainsi production et consommation de nourriture. En fait, les animaux proliférèrent jusqu’à 6.000 têtes en 1965, engloutissant toute la biomasse en interdisant sa repousse. Les animaux moururent de famine et de maladie. En 1966, il ne restait plus que 42 rennes sur l’île désertifiée.

Taxer la croissance de la population

Ainsi, les gouvernements mondiaux, face à ce danger encore plus dramatique que l’effet de serre, se réunirent, à Rome, le 15 mars 2016, pour ratifier un nouveau protocole afin de limiter la croissance de la population mondiale. Cette ville fut choisie pour ses symboliques multiples. Siège de la chrétienté dont un des dogmes obsolètes est la croissance et la multiplication des populations, cette ville évoque aussi le célèbre Club de Rome qui dénonça l’ineptie d’un modèle de société basé sur la croissance. Rome est aussi au cœur de l’Europe, le seul continent dont le taux de croissance des populations est stable depuis le XXIe siècle.

Le principe s’inspira du protocole de Kyoto qui imposait une limitation des gaz à effet de serre au niveau de la production de 1990, pays par pays. Pour le protocole de Rome, l’année de référence fut l’an 2000, quand la planète franchit le cap des 6 milliards d’habitants. Mais cette fois, tous les pays du monde furent concernés par cette règle. Convention fut prise que chaque habitant utilise en moyenne 1 ha de terre non désertifiée. Chaque habitant excédentaire donnant lieu à une taxe de 100 € par an dès 2025.

Cette taxe fut jugée suffisamment dissuasive pour que les nombreux pays concernés prennent des mesures drastiques afin de réduire leur population en dessous du niveau de l’an 2000.

Les amendes gigantesques que le protocole allait générer seraient affectées à de vastes programmes de limitations de naissances mais également au reboisement des zones désertifiées ainsi qu’à l’amélioration des cultures pour les préserver de la désertification qu’implique à long terme leur surexploitation.

Stérilisations, avortements et cannibalisme

Les pays du Tiers-Monde, dont la pyramide des âges était à base large car trop d’enfants étaient nés à la fin du XXe siècle, durent attendre une vingtaine d’années avant que les mesures de réduction du nombre de naissance puissent diminuer la population.

Le modèle chinois, qui avait débuté dans les années 90, servit d’exemple, quoiqu’il ne permit une stabilisation de la population qu’en 2025 à 1,47 milliard d’habitants. La Chine qui comptait 1,27 milliard d’habitants en 2000 dut donc s’acquitter d’une taxe annuelle d’environ 2 milliards € soit 0,1% de son PIB.

Les gouvernements des pays concernés imposèrent une taxe rédhibitoire de 100 € par enfant par an. Ils pratiquèrent également une stérilisation des femmes à grande échelle sur base volontaire. Dans certains pays, il fût nécessaire d’offrir une prime annuelle de 100 € pour encourager les femmes à ne jamais avoir d’enfants. Pour éviter les massacres à la naissance, les avortements furent entièrement gratuits.

Malgré ces mesures extrêmes, un pays comme l’Inde qui comptait 1 milliard d’habitant en 2000, dépassa allègrement 1,5 milliard en 2025.

Dans certains pays comme le Nigeria, dont la population atteignit 240 millions d’habitants en 2025 contre 123 millions en 2000, on assista, impuissants, à des famines telles que certains adultes pratiquèrent le cannibalisme infantile à l’instar de ce qu’on avait connu en Inde en 1790. Dans plusieurs pays africains incapables de maîtriser leur population, beaucoup d’habitants migrèrent vers les pays voisins. Ils furent refoulés parfois avec une violence inouïe, les pays ne voulant ni ne pouvant assumer un poids démographique supplémentaire.

Contraception catholique et monogamie musulmane

Les pays européens dont la population était en légère diminution acceptèrent un nombre limité d’immigrés. Par contre, ils organisèrent d’importantes campagnes de distribution de céréales par solidarité envers les pays qui connaissaient des disettes de plus en plus importantes.

Les pandémies vinrent involontairement tempérer la croissance des populations. L’effort international qui consistait autrefois à sauver un maximum de vies humaines se relâcha fortement. Les aides allant de préférence à des programmes à plus long terme de soutien alimentaire ou de restauration des sols pris d’assaut par les populations affamées.

Le Vatican, qui avait d’abord condamné le protocole en 2016, revint sur la question lors du Concile de 2019, abandonnant le dogme anti-contraceptif car la prolifération extrême de l’espèce humaine menaçait trop l’ensemble de la vie terrestre, œuvre du Tout Puissant.

Les pays musulmans mirent davantage de temps à réagir, notamment en interdisant la polygamie en vertu de ce que l’homme ne peut l’envisager que s’il peut entretenir toutes ses femmes. Il fût entendu que l’Homme, c’est-à-dire l’humanité, était incapable de les entretenir toutes ainsi que leur descendance ce qui permit d’imposer la monogamie.

Le chaos régna pendant toute une génération induisant parfois des guerres civiles qui eurent cependant pour effet de réduire la population dans certaines zones critiques. On déplora néanmoins la manière brutale de parvenir à l’objectif 2000 alors qu’il eut été infiniment plus simple de l’atteindre en s’en souciant dès 1980, la prévention étant nettement plus efficace que d’assumer les problèmes à leur paroxysme.

Une guerre de l’humanité contre elle-même

Des îles entières comme Madagascar se retrouvèrent complètement désertifiées. La population, incapable de s’adapter à un environnement si hostile, incapable de fuir, connut une mortalité sans précédent.

C’est au Pakistan que les famines furent les plus extrêmes. Des centaines de millions de tonnes de blés furent expédiées d’Europe et des USA pour tenter de les endiguer, avec des succès mitigés tant les problèmes de logistique pour nourrir 300 millions d’habitants furent difficiles à résoudre.

C’est une longue guerre qui dura plusieurs dizaines d’années que l’humanité livra contre elle-même pour tenter de se sauver. Elle y parvint non en laissant de profondes et injustes cicatrices, surtout dans les pays du Tiers Monde – les pays industrialisés ayant atteint l’objectif 2000 sans devoir prendre de mesures particulières.

Naturellement, le PIB mondial explosa, interprétant faussement une croissance des richesses alors que l’ensemble de la planète s’était fortement dégradée et appauvrie pour faire face à la nécessité quotidienne de nourrir quelques 9 milliards d’habitants.

La croissance de l’humanité avait provoqué la disparition de plus d’un million d’espèces vivantes, dont les éléphants d’Inde et d’Afrique ainsi que les lions.

Laurent Minguet

Libellés : ,

04 octobre 2005

En Belgique, l’auto «écolo» est un flop


L’équation est simple: si tout le monde achetait les voitures les moins polluantes sur le marché, l’air de nos villes serait plus respirable et le climat moins malmené. En Belgique, les pouvoirs publics encouragent bien l’achat de tels véhicules –en ne se focalisant toutefois que sur les émissions de CO2–, mais ils rechignent à décourager l’acquisition d’engins fort polluants. Pourtant, les ventes de ces derniers explosent et celles des véhicules moins polluants diminuent globalement...


On est encore très loin du scénario idéal de la voiture électrique à pile à combustible alimentée par de l’hydrogène produit et stocké grâce à de l’énergie renouvelable (lire «Quelle voiture pour demain?»). Mais dès aujourd’hui, il est possible de se tourner vers des véhicules qui consomment peu, et donc, polluent moins. Quels sont ceux disponibles sur le marché belge? Tout dépend en réalité de ce que l’on entend par «pollution». S’il s’agit d’émettre le moins de CO2 possible par kilomètre parcouru, le Service public fédéral Mobilité et Transport publie chaque année son «Guide CO2», qui reprend plus de 50 marques de voitures vendues en Belgique, et qui classe les différents modèles selon ce critère unique (1).

Au classement 2004-2005, l’Audi A2 3L 1.2TDI partage la pole position avec la Volkswagen Lupo 1.2TDI 3L (81 grammes de CO2 par kilomètre), talonnées par la Smart ForTwo CDI (90 g de CO2 par km). Sur la troisième marche du podium: la Toyota Prius (104 g de CO2 par km), élue «voiture européenne de l’année 2005» en novembre dernier par 58 journalistes issus des quatre coins de l’Union. Il s’agit d’un modèle hybride équipé de deux moteurs: un thermique, à essence, et un électrique, alimenté par une batterie rechargeable (lire «Tout ce qu’hybride n’est pas or»).

Le flop des incitants positifs

En Belgique, les pouvoirs publics encouragent l’achat de ces véhicules «moins sales» (moins de 105 g de CO2 par km) par le truchement d’une réduction d’impôt équivalente à 15% du prix de vente. Les véhicules qui rejettent entre 105 et 115 g de CO2 par km sont quant à eux sujets à une réduction de... 3% seulement (2). Mais cette politique chèvre-choutiste, qui récompense modestement les «bons» comportements sans pénaliser les «mauvais», a des effets quasi insignifiants. Selon un premier bilan réalisé par la FEBIAC, sur les 237.356 véhicules neufs achetés entre janvier et mai 2005, seuls 5% d’entre-eux émettent moins de 115 g de CO2 par km. En fait, sur 344 véhicules vendus appartenant à la première catégorie (moins de 105 g), seulement 168 l’ont été à des particuliers, qui sont les seuls à pouvoir bénéficier de ces primes. Dans la seconde catégorie (105 à 115 g), 11.573 ventes ont été enregistrées, soit moins qu’en 2004 pour la même période! Au total, tous ces véhicules peu polluants ne représentent que... 0,14% du parc automobile (3). Une goutte d’eau dans un océan de CO2.

Ecotaxer les choix polluants

En revanche, les pouvoirs publics ne font absolument rien pour décourager l’achat de modèles très polluants, à l’instar du 4x4 diesel Touareg V10 de Volkswagen (346 g de CO2 par km) ou du 4x4 G500 Cabriolet de Mercedes (378 g de CO2 par km). Ce dernier engloutit pas moins de 20,9 litres d’essence aux 100 kilomètres en zone urbaine. Et avec la clim’, il dépasse les 28 litres (4)! Les associations françaises Agir pour l’Environnement et Réseau Action Climat ont d’ailleurs décerné à ces deux fossoyeurs du climat leur «Prix Tuvalu» du véhicule le plus polluant (respectivement en 2005 et 2004), du nom de cet archipel du Pacifique dont certaines îles sont directement menacées par la montée du niveau des océans.

Ecotaxer les véhicules très polluants, comme les 4x4, pourrait pourtant rapporter gros. En sept ans, les ventes de ces usines à CO2 ont plus que doublé en Europe. Durant la même période, Nissan, qui offre la gamme de tout-terrain la plus large du monde, a presque multiplié ses ventes de 4x4 par trois (5)...

Croissance et électoralisme

Sans doute ne s’attaque-t-on pas impunément à un secteur qui pèse lourd dans l’économie belge (6). Selon la Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle (FEBIAC), les usines d’assemblage et les sous-traitants ont occupé quelque 75.000 travailleurs et représenté 14,5% des exportations belges en 2003. L’an dernier, le secteur de la distribution et de la réparation de voitures et de pièces représentait environ 80.000 emplois. Et le business de la bagnole (ventes et réparations) a ramené quelque 3,3 milliards d’euros dans l’escarcelle du Trésor, grâce à la TVA. Entre de juteuses rentrées fiscales et la menace à peine voilée de délocalisations (7), les mesures écologiques réellement efficaces (y compris pour l’Etat, auquel une écotaxe rapporterait de l’argent, alors que les réductions d’impôts déséquilibrent son budget) semblent tout simplement ne pas pouvoir trouver leur place.

Croissance et électoralisme obligent, seule la flambée des prix du pétrole semble en mesure d’enrayer la pollution due au trafic routier. Il est donc salutaire de s’en réjouir, d’autant que les émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs stagnent lamentablement depuis 4 ans. L’accord volontaire signé en 1998 par les constructeurs automobiles européens avec la Commission ne sera donc vraisemblablement pas atteint. Cet engagement fixait un objectif de 140 g de CO2 par km émis en moyenne par les voitures neuves à l’échéance 2008, et de 120 g de CO2 par km à l’horizon 2012. Or, en 2004, cette moyenne était encore de 160 g de CO2 par km, soit 1,8% de moins seulement qu’en 2003 (8). Pour atteindre l’objectif fixé –ce qui est crucial pour respecter les engagements du protocole de Kyoto– une diminution annuelle de 3,3% s’impose. On en est loin.

Les hybrides au top

Il n’y évidemment pas que du CO2 qui est recraché par les pots d’échappement. Si l’on tient compte de toutes les émissions atmosphériques –CO2 mais aussi oxydes d’azote, hydrocarbures, particules fines, etc.– les champions toutes catégories sont la Toyota Prius et la Honda Civic IMA, les deux premiers véhicules hybrides à avoir été commercialisés en Belgique (9). Outre des émissions faibles de CO2 (104 g par km pour la Prius, 116 g pour la Civic IMA), ces deux hybrides satisfont d’ores et déjà aux critères de la norme EURO 4, qui sera obligatoire dans toute l’Union européenne pour les véhicules commercialisés après le 1er janvier 2006 (10). Tous les modèles qui les devancent dans le «guide CO2» ne répondent, eux, qu’à la norme EURO 3, beaucoup moins stricte.

Rouler «moins sale» dans un hybride reste cependant une option réservée à quelques happy few en Belgique. Toyota, par exemple, n’a vendu que quelque 180 Prius en 2004... Il faut dire que les prix des hybrides (27.000 euros pour la Prius de base, 22.000 pour la Civic IMA) restent élevés par rapport à des véhicules équivalents non-hybridés, et ce malgré le petit coup de pouce fiscal accordé depuis janvier 2005. Un avantage qui, par ailleurs, ne marque ses effets que deux ans après l’achat...

David Leloup

(1) Le Guide CO2 est consultable en ligne. Pour info, la moyenne européenne des émissions des véhicules est de 163 g de CO2 par km.
(2) Plafonds respectifs de 3.280 et 615 euros non indexés. Détails ici.
(3) «La voiture propre ne plaît pas», Le Soir, 16 et 17 juillet 2005. Résumé ici.
(4) D’après les chiffres diffusés par l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
(ADEME).
(5) La Dernière Heure, 16 décembre 2004.
(6) Selon l’Office flamand d’investissements étrangers (FFIO), la Flandre figure au premier rang de l’industrie automobile européenne.
(7) Lire à ce sujet «La propension à réglementer nuit à la compétitivité de notre industrie automobile», FEBIAC, novembre 2004.
(8) «Carmakers failing to meet emissions pledge», Financial Times, 11 mai 2005.
(9) Depuis juillet 2005, un troisième modèle hybride est en vente sur territoire belge: le Lexus RX400h. Ce volumineux «tout chemin» de la gamme de prestige de Toyota coûte néanmoins la bagatelle de 58.000 euros. Il comporte trois moteurs (un thermique et deux électriques), consomme 8,1 litres aux 100 km en cycle mixte et rejette 192 g de CO2 par km.
(10) La norme EURO 4, par rapport à l’EURO 3 divise, pour les véhicules à essence, grosso modo par deux les émissions d’oxydes d’azote (NOx), d’hydrocarbures imbrûlés (HC) et de monoxyde de carbone (CO). Côté diesel, elle réduit d’environ 50% les NOx, le niveau de mélange de NOx et HC et la quantité de particules, et de 22% le volume de CO.

Libellés : ,