04 octobre 2005

Quelle voiture pour demain?

Bien malin qui pourra prédire la nature du parc automobile d’ici 10, 20 ou 30 ans. Une chose semble sûre, cependant: il sera le reflet de plusieurs technologies qui cohabiteront ensemble. Petit tour d’horizon et perspectives.

Dans un premier temps, il reste encore pas mal de choses à faire pour améliorer les bons vieux moteur à pistons mis au point par Karl Benz en 1886, et Rudolf Diesel en 1893. On a certes déjà inventé l’injection électronique pour les moteurs à essence, l’injection haute pression et le common rail pour les diesels, les multisoupapes, les turbocompresseurs... Mais malgré toutes ces innovations, le moteur à pistons a toujours un rendement faible: 33% environ pour le moteur à essence et de l’ordre de 40% pour les meilleurs diesels. Autrement dit, seul un tiers de l’énergie contenue dans un litre d’essence est restituée sous forme d’énergie mécanique. Peut mieux faire, d’autant qu’il s’agit du rendement optimal. Le rendement moyen, lui, est plutôt compris entre 15% et 25%...

Autre problème: le moteur à piston supporte mal les à-coups de la circulation urbaine. Résultat, il surconsomme et surpollue. Pour y remédier, constructeurs et ingénieurs planchent notamment sur la «combustion homogène» pour les voitures particulières à moteur diesel. Ce processus d’allumage atteint des niveaux extrêmement faibles d’émissions de NOx et de particules, sans compromettre le rendement du moteur (1).

Mais à très court terme, la voiture de demain ressemblera sans doute très fort aux hybrides actuelles. Avec un «plus» important: un moteur –essence ou diesel– à régime constant, qui offre un rendement bien supérieur. Ce moteur pourrait alimenter par ailleurs une batterie au lithium couplée à un moteur électrique, beaucoup plus performant en ville. Les nombreux avantages des batteries au lithium (recharge plus rapide et autonomie accrue) pourraient par ailleurs révolutionner la voiture électrique «pure» (2) –un flop commercial jusqu’ici, notamment à cause d’une autonomie limitée (une centaine de kilomètres tout au plus).

Forces et faiblesses de l’hydrogène

Après les électriques pures «au lithium» et les hybrides «à régime constant», ce sera peut-être la voiture à pile à combustible qui s’imposera. Elle fonctionne à l’hydrogène, roule sans bruit car son moteur est électrique, et ne produit comme seule émission qu’un peu de vapeur d’eau.

Deux problèmes majeurs doivent cependant être encore résolus: la production et le stockage de l’hydrogène, gaz très abondant sur terre mais qui n’existe pas sous sa forme libre (H2). Il se lie spontanément à d’autres éléments comme l’oxygène ou le carbone pour former de l’eau ou des hydrocarbures. Il faut donc extraire l’hydrogène de ces molécules, ce qui nécessite de l’énergie. L’idéal serait d’utiliser des énergies renouvelables, car il faut dépenser plus d’énergie pour électrolyser l’eau qu’on en obtient en contrepartie sous forme d’hydrogène (5 kWh sont nécessaires pour produire un m3 d’H2 qui ne renferme que 3 kWh). Certains imaginent par exemple de grands parcs de panneaux solaires installés le long des côtes ou des points d’eau en Afrique. D’autres proposent d’utiliser, en Islande ou au Canada par exemple, l’énergie hydroélectrique «perdue» pendant la nuit (quand la demande est très faible) pour électrolyser de l’eau et ainsi stocker sous forme d’hydrogène au moins une partie de cette énergie gratuite qui nous file quotidiennement entre les doigts.

Mais ces projets resteront du domaine de la science-fiction tant que l’on n’aura pas résolu la question du stockage. Plusieurs voies technologiques sont envisagées (compression, liquéfaction, borhydrure de sodium, hydrures métalliques, nanotubes et nanofibres de carbone) mais, pour différentes raisons, aucune n’est actuellement satisfaisante (3). Par exemple, le stockage sous forme comprimée est l’un des plus utilisé aujourd’hui, notamment par PSA, Nissan et DaimlerChrysler. A Munich, Chicago, Détroit ou Hambourg, des stations services à hydrogène existent déjà. Mais il faut beaucoup d’énergie pour générer les pressions de 200 à 700 bars nécessaires à la compression d’H2. Même problème pour le stockage sous forme liquide, qui nécessite de refroidir l’hydrogène à -253°C. Bref, fabriquer et stocker assez d’hydrogène pour propulser le parc automobile actuel sans générer de gaz à effet de serre reste un vrai défi technologique!

Certains prototypes de voitures électriques à pile à combustible fonctionnent actuellement avec des carburants fossiles, principalement le gaz naturel (méthane ou CH4) ou des hydrocarbures liquides comme le méthanol (CH3OH) ou l’éthanol (C2H5OH) qui eux, ne nécessitent pas d’être comprimés. Un petit dispositif embarqué appelé «réformeur» convertit, en temps réel, le carburant fossile en hydrogène selon les besoins du moteur. Mais le réformage des hydrocarbures génère du CO2. Dans le cas du méthane, c’est «autant de CO2, voire plus, qu’un moteur classique», avertit Nicolas Naniot. De plus, le stockage du méthane, sous pression en bombonnes, nécessite de l’énergie: celle-ci provient actuellement soit d’une centrale électrique turbine-gaz-vapeur (TGV) qui génère du CO2, soit d’une centrale nucléaire qui produit des déchets radioactifs. Bref, le bilan du réformage n’est pas très écologique...

Troisième problème lié à l’hydrogène: son rendement. Un m3 d’H2 renferme seulement 3 kWh d’énergie, soit l’équivalent de 0,3 litre d’essence. Ainsi, un réservoir de 50 litres d’hydrogène comprimé à 200 bars est équivalent à 3 litres d’essence, soit moins de 100 km d’autonomie. Rouler à l’hydrogène nécessiterait donc de faire très souvent le plein...

Les limites des biocarburants

Une autre piste, pour alimenter les moteurs thermiques cette fois, est souvent mise en avant: celle des biocarburants. Aux Etats-Unis, la production d’éthanol à partir de maïs augmente de 30% par an. Ce carburant «vert» est même en passe de devenir compétitif sans subsides (4). En Europe, la production de biodiesel est en plein boom, notamment en Allemagne où elle augmente de 50% par an depuis 2002 (5). Si les biocarburants deviennent de plus en plus abordables, un calcul simple montre pourtant que l’offre n’atteindra malheureusement jamais la demande.

La France comporte moins de 30 millions d’hectares (Mha) de surfaces agricoles. Quand bien même toutes ces surfaces seraient converties en cultures de biocarburants, dont le rendement net par hectare est de 1 tonne en moyenne, on obtiendrait au maximum 30 millions de tonnes (Mt) de «pétrole vert». On serait loin d’étancher la soif des transports français qui consomment actuellement plus de 50 Mt de pétrole. Plus concrètement, comme on ne pourrait réalistement consacrer que les jachères françaises à la production de carburants verts, soit 1,5 Mha pouvant produire 1,5 Mt de biocarburants, seuls 3% de la consommation des transports français pourraient être couverts!

Une étude récente a également été conduite au Luxembourg, en vue de faire rouler les bus de la capitale au biocarburant. Les résultats sont tout aussi édifiants: «Il faudrait couvrir la totalité des zones vertes du Grand-Duché –y compris les zones privées!– par des plantations de colza pour couvrir la consommation des bus de la ville de Luxembourg, explique Nicolas Naniot. Conclusion, les biocarburants peuvent réduire les émissions de CO2 mais uniquement par dilution de l’ordre de 5% dans les carburants actuels».

Parallèlement à toutes les pistes hi-tech explorées pour façonner la voiture de demain, les constructeurs poursuivent aussi des objectifs plus modestes. Ils cherchent à réduire la consommation en perfectionnant les carburants (6), en améliorant l’aérodynamisme, en utilisant des matériaux plus légers, en développant de nouveaux pneus à «basse résistance au roulement», etc. Ambition technologique et pragmatisme sont les deux mamelles du progrès...

D.L.

(1) «Vers des voitures particulières diesel plus écologiques», Cordis, 1er août 2005.

(2) Il existe trois types de véhicules propulsés par un moteur électrique: le véhicule électrique «pur» alimenté par une batterie qui se recharge sur une prise classique, le véhicule hybride qui associe le thermique à l’électricité pour plus d’autonomie (ex.: Toyota Prius), et le véhicule électrique à pile à combustible, qui produit sa propre électricité à partir de l’hydrogène.

(3) «Les piles à combustible», Anne-Sophie Corbeau (ingénieure diplômée de l’Ecole centrale de Paris).

(4) «Stirring in the corn fields», The Economist, 14-20 mai 2005, pp.67-69.

(5) «Biofuels situation in the European Union», US Department of Agriculture, 23 mars 2005.

(6) Depuis fin avril, en Belgique, le pétrolier français Total commercialise l’Excellium, une essence enrichie par différents additifs (notamment un modificateur de friction pour réduire la consommation générale, des adjuvants qui permettent de réduire de 5% les rejets de CO2, des détergents spécifiques pour maintenir la propreté des soupapes et des mécanismes d’injection). Le géant anglo-néerlandais Shell a quant à lui lancé fin août sur le marché belge son «diesel extra» pour une meilleure protection des moteurs, et début septembre son essence V-Power, censé offrir «une combustion supérieure et de meilleures performances».

1 réactions:

  • Oublions donc les carburants.

    La voiture de demain - pour ne plus affecter l'environnement - doit être auto-énergétique.

    By Anonymous Fahl, at 11 mai, 2008 17:00  

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