04 mai 2005

Commerce international: bénéfices et mythes

La théorie de Ricardo néglige cependant les coûts liés au transport.

Si ceux-ci sont importants par rapport au bien transporté, l’intérêt du commerce international peut disparaître. Cela dit, le transport intercontinental par bateau coûte aujourd’hui 15€ par tonne plus 5 € de transport fluvial environ. Il est donc toujours plus avantageux d’importer le charbon en Europe que de l’extraire. Les apôtres du libre-échange feront pression pour que les coûts du transport restent bas en négligeant notamment les coûts environnementaux : marées noires, rejets du fuel en mer et du CO2 dans les airs, nuisances sonores, dégradation des routes, accidents...

Les taxes douanières ou les contraintes administratives du pays importateur entravent également le libre-échange. Ainsi, en 1981, la France avait imposé que tous les magnétoscopes japonais se fassent contrôler dans le petit bureau de Poitiers par une demi-douzaine de douaniers tatillons. Les Japonais stoppèrent leurs ventes et leur gouvernement porta plainte à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui arbitre ce genre de conflit.

Face à une main-d’œuvre bon marché puisqu’elle n’intègre que peu de coûts sociaux (pensions, allocations de chômage, allocations familiales, couverture médicale...), les productions occidentales résistent par l’augmentation de la productivité qui consiste à investir davantage dans l’outil pour réduire la main-d'œuvre afin de maintenir ses avantages compétitifs. Cela crée du chômage, mais conserve le moteur économique. Hélas, cette course à la productivité n’est pas toujours tenable et l’industrie doit souvent se résoudre à fermer ses usines ou à les délocaliser, ce qui revient au même pour le travailleur mis à pied.

Comme nous l’avons vu dans notre précédente lettre (http://chroniques.lucpire.be/minguet/now_future/html-n/ch02s03.html#d0e528), nous ne sommes pas plus riches en brûlant 4 tonnes de mazout au lieu d’une seule si cette dernière a permis de chauffer pareillement votre habitation thermo-efficace. De même, quand une maison brûle, il faudra en construire une nouvelle. Cela augmentera le produit intérieur brut (PIB), mais pas la richesse. Au contraire, il faudra consommer des richesses monétaires ou minérales ainsi que de la main-d'œuvre pour revenir à la situation de départ. En fait, tout ce qui consiste à reconstruire ou refabriquer ne constitue pas un enrichissement. Le carrossier qui répare une tôle froissée, le médecin qui soigne un fumeur malade ou une jambe cassée, augmentent le PIB sans créer de richesse. Le résultat aurait été identique si le conducteur avait été prudent, le fumeur abstinent ou le skieur moins téméraire.

Le Sénégal en importe de Hollande au lieu de les cultiver alors que le rendement dépasserait 50 tonnes à l’hectare. C’est parce que l’oignon hollandais, malgré le transport, revient un rien moins cher à Dakar que l’oignon sénégalais cultivé actuellement. Comment expliquer ce paradoxe alors que l’ouvrier agricole hollandais coûte 15 fois plus que le sénégalais ? D’une part, les aides agricoles européennes à la production et à l’exportation diminuent artificiellement le prix de vente de nos oignons. D’autre part, l’infrastructure routière européenne permet le transport aisé entre les lieux de production, de transformation et d’expédition. Ensuite, la technologie agricole permet d’augmenter les rendements alors que la production de biomasse en Casamance, au sud du Sénégal est, par nature, environ 3 fois plus importante que sous nos latitudes. Le même scénario se produit pour les céréales, les légumes, les fruits pour un total de 500 M€ par an. Il faudrait donc que le Sénégal produise lui-même son alimentation en exploitant convenablement (et durablement !) ses 38.000 km² de terres arables. Il s’enrichirait alors de 100 M€ par an au lieu de s’appauvrir dans une spirale d’endettement.

D’autres pistes d’enrichissement pourraient s’ajouter, le tourisme, la production d’énergies renouvelables en captant les flux solaires (solaire direct, vent, pluie, biomasse...). Nous en reparlerons ultérieurement.

Par contre, il serait contre-productif, et de toute manière impossible, que le Sénégal cherche à produire tous les biens qu’il consomme : ordinateurs, voitures, avions, bateaux... Cela consommerait trop de capital et de matière grise pour un résultat vraisemblablement médiocre. Il faut davantage miser sur les points forts de la Casamance : des terres riches, une pluviosité plus abondante qu’en Belgique, une main-d'œuvre bon marché, un climat agréable...

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