04 octobre 2005

Les batteries, une charge pour l’environnement

Quel est le point commun entre un GSM, une visseuse électrique et une Toyota Prius? La batterie, pardi! Omniprésentes dans nos appareils électriques, elles nous ont fait entrer dans l’ère du «tout-rechargeable» sans que l’on ne s’en rende compte. Le point sur leur impact écologique avec Daniel Cheret, docteur en physique-chimie (CNRS) et chercheur chez Umicore.


En l’espace de dix ans, les «piles rechargeables» se sont implantées dans un nombre croissant d’objets de plus en plus importants dans nos activités quotidiennes. Du rasoir électrique à l’agenda électronique, de l’apirateur de table au balladeur MP3, de la visseuse électrique à l’appareil photo numérique, nos appareils ménagers, professionnels ou de loisir tendent à s’affranchir du fil électrique et des piles classiques au profit des batteries rechargeables, dont il existe plusieurs grandes familles: plomb, nickel-cadmium, nickel métal-hydrure et lithium.

Actuellement, seules les batteries permettent de stocker de l’énergie électrique à un coût relativement abordable. Mais qu’en est-il du coût environnemental? L’extraction des différents métaux qui rentrent dans la composition des «accus» est rarement neutre. La qualité et l’efficacité du recyclage des batteries en fin de vie varient fortement selon les familles. Pour les dernières générations, les filières n’existent tout simplement pas, ou n’en sont qu’à leurs premiers balbutiements... Le point sur l’impact écologique des différents types de batteries avec Daniel Cheret, docteur en physique-chimie (CNRS) et Business Development Manager Battery Recycling au sein du groupe Umicore.

Batteries au plomb (Pb)

Que deviennent les batteries au plomb, présentes dans toutes les voitures, lorsqu’elles arrivent en fin de vie?

Ce n’est pas toujours très clair. L’acide sulfurique et le plomb sont récupérés, mais que devient le plastique, qui est un petit peu contaminé par le plomb et par l’acide sulfurique? Il n’y a pas de marché pour ce plastique. Si on le fait fondre, le plomb s’évapore. Le marché du plastique de seconde main est extrêmement limité. Donc à quoi bon lancer une filière de tri? Puis «un» plastique, ça n’existe pas. Il y a toujours un mélange de différentes sortes de plastiques. Les applications sont très limitées. Ce plastique est donc mis en décharge ou lavé. Dans ce cas, il peut être revendu. Mais il faut alors déplomber l’eau de lavage et cela a un coût. Certaines entreprises poussent le recyclage jusqu’au bout, et l’utilisent pour faire de nouvelles batteries.

Que devient l’acide sulfurique lorsqu’il est récupéré?

Il peut être purifié et réutilisé. C’est un produit de base de l’industrie chimique. C’est ce qu’on appelle communément le vitriol (H2SO4). La demande est forte.

Y a-t-il des sous -produits toxiques générés lors de la purification de l’acide sulfurique?

A ma connaissance non. Du moins lorsque c’est fait proprement, dans les pays indistrialisés. Ailleurs, c’est une autre histoire... Le processus demande juste un peu d’énergie et du savoir-faire.

L’extraction du plomb lui-même est-elle polluante?

Pas spécialement. A ma connaissance, on n’extrait plus de plomb à partir de minerai. Une très grosse partie provient du recyclage. Les applications du plomb sont de plus en plus restreintes. Le recyclage suffit pour fournir le marché aujourd’hui.

Pourtant, le marché des voitures est en plein boom, notamment en Chine... Cela ne va-t-il pas entraîner de nouvelles extractions?

Honnêtement, je ne crois pas. Les collectes de produits qui contiennent du plomb sont de plus en plus efficaces et se développent. Le plomb est de plus en plus interdit dans toute une série de produits. A terme, on n’utilisera plus le plomb que pour faire des batteries et pour la protection des radiations X, parce que l’on n’a pas actuellement d’alternatives.

Batteries nickel-cadmium (NiCd)

Le cadmium, métal lourd et très polluant, est toujours utilisé dans les batteries de toute une série d’appareils électriques, notamment le matériel électrique de bricolage (foreuses, visseuses, ponceuses, etc.). Des alternatives existent pourtant: les batteries NiMH et celles au Li-ion. Pourquoi le Cadmium n’est-il pas purement et simplement interdit?

L’argument principal de l’industrie est le suivant: comme on atteint un taux de recyclage très important pour ces batteries NiCd, ce n’est pas un danger en soi pour l’environnement puisque les batteries et leurs composants ne sont pas rejetées dans la nature. Il a donc été décidé de bannir le cadmium, mais avec des exceptions. Et celles-ci représentent environ 80% du marché du cadmium aujourd’hui...

Batteries au nickel métal-hydrure (NiMH)

D’où provient le nickel utilisé notamment en grandes quantités dans les batteries des véhicules hybrides (Toyota Prius et Honda Civic IMA)?

Le nickel provient de l’extraction minière. La demande est très forte, notamment pour faire de l’inox (stainless steel). Au moins 60% du nickel utilisé dans le monde sert à en fabriquer. Il y a des mines un peu partout: au Canada, en Australie, en Russie... Les gros producteurs sont Inco, Falcon Bridge, Impala... qui font fortune actuellement en vendant leur nickel très cher. L’extraction repose sur un procédé classique d’extraction thermique: on extrait les terres, on les passe au four et on forme un alliage qui contient du nickel, alliage que l’on va ensuite raffiner.

Ce raffinage est-il dommageable pour l’environnement?

Non, c’est bien contrôlé.

Batteries au lithium (Li-ion et Li-polymère)

Le processus d’extraction du carbonate de lithium à partir de roches est-il néfaste pour l’environnement?

Dans la mesure ou ce sont des roches sédimentaires, il s’agit de carbonates et en général c’est très facile à extraire sans provoquer de dommages environnementaux. Mais attention: quand on parle de batteries Li-ion, le lithium représente moins de 1% du poids de la batterie! Les métaux les plus important sont le cobalt (15%), la partie acier métallique (20%), l’aluminium (20%) et le cuivre (8 à 10%). Il y a du fer également, mais sa proportion dépend de l’utilisation de la batterie: pour un ordinateur portable, le boîtier extérieur est en fer; par contre sur un GSM, il est en aluminium, beaucoup plus léger. Donc la proportion de fer peut varier de 5% à 25% et celle de l’aluminium de 20% à 40%.

Que représentent l’extraction de l’aluminium et du cuivre du point de vue écologique?

Ce n’est pas brillant. Surtout l’aluminium. Il est bien recyclé mais on en extrait toujours parce que la demande est très forte. Le gros problème est que l’extraction est très coûteuse en énergie.

Et l’extraction du cobalt?

C’est un procédé «hydro». La première étape consiste à dissoudre le minerai dans de l’acide sulfurique. Ensuite on réalise des dissolutions successives et on joue sur le pH pour purifier la solution. On termine le processus avec du chlorure de cobalt pur. Quand c’est fait dans les pays développés, il n’y a pas de problème: c’est bien fait car c’est très contrôlé. Dans des pays moins développés –la Chine pour ne pas la nommer–, c’est très différent. Tout n’est pas filtré, tout n’est pas remis dans la boucle... C’est toujours le risque.

Quid de l’extraction du manganèse?

Je ne sais pas. Mais effectivement, la question se pose dans la mesure où les batteries au lithium de nouvelle génération, qui sont en train de sortir pour l’instant, contiennent 1/3 de cobalt, 1/3 de nickel et 1/3 de manganèse.

Les mirages du recyclage

Fondamentalement, où en est-on aujourd’hui sur le plan du recyclage des batteries NiCd, NiMH et Li-ion?

C’est très variable. En Europe, la mise en décharge de certaines batteries NiMH ou Li-ion est encore autorisée dans certains pays. Dans d’autres, ces batteries sont collectées et «diluées» dans les volumes des autres types de batteries récupérées. Il faut savoir que 80% des volumes de batteries collectées, par exemple chez BEBAT [asbl qui organise la collecte, la gestion et la revalorisation des piles usagées en Belgique, NDLR], sont des batteries primaires, c’est-à-dire des petites piles alcalines. Ensuite on trouve 18% de batteries NiCd. Concernant les autres batteries –NiMH, Li-ion, etc.–, les quantités récoltées sont pratiquement négligeables. Elles sont en fait envoyées aux entreprises qui recyclent les batteries primaires, et elles les «diluent» simplement dans leurs stocks. Ces autres batteries ne sont donc pas recyclées, mais brûlées...
Le lithium, par exemple, n’est cependant pas rejeté dans l’atmosphère: il s’oxyde et se retrouve dans la scorie. Très souvent, la scorie est mise en décharge. Mais c’est comme un caillou: ça ne pose pas de problème pour l’environnement car le lithium est emprisonné dans une phase amorphe qui ne peut pas être lixiviée par de l’eau ou quoi que ce soit [la lixivication est l’extraction des constituants d’un composé soluble, au moyen d’un solvant, NDLR].

Les batteries NiMH présentes dans les moteurs des véhicules hybrides ne sont donc actuellement pas recylées...

Aujourd’hui, il n’y a aucune filière économiquement rentable qui fonctionne bien. Mais je pense que ça va bouger. C’est pour cela qu’Umicore a mis en place un nouveau procédé. S’il est aujourd’hui obligatoire de collecter les batteries au plomb des voitures et les batteries nickel-cadmium (NiCd) dans la plupart des pays européens, extrêmement peu de batteries NiMH [la plupart des «piles rechargeables» utilisées par les particuliers, NDLR] sont collectées. Ce n’est pas encore obligatoire dans l’Union européenne. Une directive est actuellement à l’étude au Parlement et au Conseil.

En quoi consiste ce nouveau procédé d’Umicore visant à recycler tous les types de batteries, y compris les NiMH et les récentes batteries au lithium?

La première étape est la fusion: on prend toutes les batteries mélangées et on les place dans un four afin de former un alliage qui va contenir tous les métaux, notamment du cobalt, du nickel, du cuivre et du fer. Ensuite cet alliage est traité ici, en Belgique, dans l’installation de raffinage que nous avons à Aulen, à côté d’Herentaals [à 30 km d’Anvers, NDLR]. Pour que la filière soit économiquement viable et pour pouvoir faire des économies d’échelle, un procédé centralisé s’impose. Même en comptant la pollution engendrée par les camions qui livreraient de vieilles batteries collectées à l’étranger, l’écobilan de notre procédé est positif. Il tourne actuellement à une capacité de 1.000 tonnes/an. Nous sommes en train de construire une installation industrielle qui aura une capacité de 3.000 à 4.000 tonnes/an. Un frein potentiel, cependant, est l’éventuelle limitation du transport transfrontalier de batteries, car ce transport est considéré comme dangereux. Cela part d’une bonne intention, mais la conséquence est qu’il devient difficile de collecter, stocker et transporter des batteries, parce qu’il faut les déclarer comme «matériaux dangereux». Le risque est que plus personne finalement ne souhaite se charger de ces tâches, à cause de la paperasserie administrative que cela entraîne.

Entretien: D.L.

2 réactions:

  • Merci pour les infos.
    En espérant que tout ça soit fiable mais au moins, ça nous évite de passer des heures sur internet.
    Le recyclage ne se met en marche sérieusement que quand c'est bien rentable, malheureusement.

    By Blogger RS3, at 15 juillet, 2007 15:29  

  • Bon travail!
    Voici un lien concernant l'extraction du manganèse.
    Juste pour les curieux
    Merci
    http://www.wipo.int/pctdb/en/wo.jsp?wo=1995028504

    By Blogger yourick, at 27 septembre, 2007 15:09  

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