Souvent économiste varie, bien fol est qui s’y fie 

Au XXe siècle, le credo était qu’un pétrole bon marché favorisait la reprise et qu’un pétrole cher l’entravait. À présent, les économistes prétendent le contraire.

ob_8feb03_troisieme-choc-petrolier-pourquoi-leLes économistes sont réputés pour expliquer a posteriori ce qu’ils n’ont pu prévoir a priori. Crashs boursiers, crises immobilières, crise des dot.com, Brexit. Les exemples sont légions. Mais, non contents d’expliquer un phénomène économique après coup, ce qui n’a que peu d’intérêt en soi, les économistes déduisent la chose ou son contraire avec le même événement. L’argumentation évolue au cours du temps un peu comme la mode vestimentaire.

Je prendrai comme exemple l’influence du prix du pétrole sur l’économie mondiale.

Au siècle dernier, le premier choc pétrolier (1973) – le prix du pétrole a été multiplié par quatre soit 4,13 dollars le baril ($/b) ou 150 euros constants par tonne (€C/t) – a déclenché une période de ralentissement économique en Occident : montée du chômage, fermeture des usines, inflation, etc.

La deuxième couche a eu lieu lors du deuxième choc pétrolier (1978) où le prix a atteint 15 $/b soit 250 €C/t.

Par la suite, en 1980, lors de la guerre Iran-Irak, la pétrole coûtait 36 $/b soit 475 €C/t.

La « crise » économique s’est aggravée. Les États se sont endettés pour soutenir l’économie et l’emploi. Le début des années quatre vingt était austère. Le chômage atteignait des records. Il y avait plus de 6 % d’inflation avec des salaires bloqués.

C’est le contre-choc pétrolier (1986) qui a sonné le glas de cette période désagréable. Le cartel de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) n’arrivant plus à se mettre d’accord, le prix du pétrole a baissé fortement à 15 $/b soit environ 200 €C/t.

Les cinq années qui suivirent sont marquées par une embellie économique : création d’emplois, diminution de l’inflation, des taux d’intérêts, envol des indices boursiers, etc.

Les cinq dernières années du siècle sont caractérisées par une activité économique sans précédent, les bourses enflent dans une exubérance irrationnelle. La nouvelle économie va permettre de déconnecter la création de richesses des matières premières.

Durant toute cette période, le prix du pétrole est très bas avec un record en 1998 où le baril coûte 12,8 $/b soit environ 92 €C/t soit deux fois moins qu’après le contre-choc pétrolier.

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Il était donc assez clair et logique qu’un pétrole bon marché, c’est à dire de l’énergie et des transports peu coûteux, était un bon ingrédient pour favoriser l’activité économique à l’instar de taux d’intérêt ou de salaires peu élevés. Tous les entrepreneurs opineront.

Mais aujourd’hui, la communauté des économistes affirme exactement le contraire. Si le prix du pétrole diminue c’est mauvais signe pour l’économie. Et les indices boursiers suivent la diminution du prix du pétrole.

Je pense que c’est une erreur sur la cause.

Si l’activité économique mondiale diminue, notamment en Chine, quelles que soient les raisons, la demande de pétrole diminue également face à une offre de pays producteurs dont c’est le revenu principal. Ils sont donc contraints d’augmenter encore l’offre ce qui initie une spirale de baisse des prix.

Il faut ensuite plusieurs mois pour que la baisse du prix de l’énergie induise une embellie économique mondiale qui, toujours en fonction de l’offre et de la demande permet une remontée du prix du pétrole, toutes autres choses étant égales.

Un conflit au Proche-Orient peut évidemment bousculer ce mécanisme surtout quand un État autoproclamé brade son pétrole dans un marché parallèle pour financer ses guerres.

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Dans certains cas donc, la baisse du prix du pétrole peut être causée par une diminution de la demande due à un ralentissement économique mondial mais elle peut également être causée par une augmentation de l’offre ce qui permet, au contraire, de dynamiser l’économie mondiale en tout cas dans les nombreux pays importateurs net de pétrole.

Quand l’Agence Internationale de l’Énergie affirme que le prix du pétrole va augmenter l’an prochain, la pensée économique dominante conclut à une amélioration de l’économie mondiale et les bourses s’envolent.

Tout au plus pourrait-on conclure qu’il faut acheter des actions Shell, Total ou BP car l’augmentation du prix pourrait être le fait d’un accord improbable du cartel de pays producteurs ou d’un énième conflit intense au Proche-Orient paralysant une partie de la production et, dans ce cas, la machine mondiale économique tournera au ralenti comme un moteur de voiture bridé.

Encore faudrait-il que les prévisions des économistes de l’AIE se réalisent. En 1999, les experts de la Commission européenne pronostiquaient un prix du baril à 21 $ en 2010 au lieu du prix réel de 60 $. Une erreur de 300 %, est-ce une prévision ?

Aujourd’hui, le prix du pétrole est de 45 $/b soit 280 €C/t. Les économistes pensent qu’il est bon marché par rapport au record de 2014 à plus de 600 €C/t. Mais si on ajuste ses lorgnons pour regarder dans le rétroviseur, on remarque qu’il demeure trois fois plus cher qu’en 1998 quand les gouvernements réduisaient leurs dettes dans un optimisme béat.

La réalité est que le pétrole est encore historiquement cher ce qui pèse sur le dynamisme économique des pays importateurs.

Si son prix pouvait être divisé au moins par deux, alors l’économie mondiale serait revitalisée et non l’inverse.

 

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(Source : le Figaro)

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