Cent fois plus de photovoltaïque en Wallonie !
A l’instar de la planète, la Wallonie reçoit bien plus d’énergie solaire qu’elle n’en consomme. Rien que sur les toits des bâtiments, le potentiel des panneaux photovoltaïques (PV) dépasse 12.000 MW, quatre fois la puissance nucléaire de Tihange.
Le tout en réservant 8 millions de m² de toitures pour les panneaux solaires thermiques afin de produire 4 TWh d’eau chaude sanitaire (un TWh = un milliard de kWh).
Malgré l’intermittence du soleil, ce parc PV produira plus de 10 TWh, près de 40% de la consommation électrique wallonne actuelle.
Cela pourrait même sembler trop mais il est vraisemblable que l’essor de la voiture électrique, d’ici 5 à 10 ans, va augmenter la demande de quelques 13 TWh permettant l’économie de 3 millions de tonnes de pétrole dont l’importation nous coûte aujourd’hui 1,35 milliard d’euros.
Mécanisme de financement
Comme la filière nucléaire il y a 40 ans, il faut financer le déploiement de l’énergie renouvelable. Celle-ci devient de plus en plus compétitive au fur et à mesure que la technologie s’améliore et que le prix des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) augmente.
Grâce à une écotaxe de quelques pourcents prélevée sur leur facture d’électricité, appelée certificat vert (CV), tous les consommateurs wallons contribuent au financement de l’électricité renouvelable. La règle « Daras » conçue par le Ministre éponyme consiste à donner 1 CV valant environ 85€ au producteur d’un MWh renouvelable pendant une durée de 15 ans.
Il y a trois ans, comme les PV coûtaient très cher, la Région wallonne, en distribuant 7 CV par MWh, et le gouvernement fédéral, en accordant 40% de déductibilité fiscale, mirent en place un mécanisme de soutien attractif pour l’investisseur coûtant à la collectivité environ 6,9 M€ (millions d’euros) par MW installé.
Depuis 2008, 72 MW ont été installés pour un montant d’environ 500 M€.
Aujourd’hui, le prix du PV a chuté. Une petite installation coûtant réellement 6.000 € tvac produit 1,5 MWh par an pendant 25 ans soit environ 375 € d’électricité par an. Celle-ci coûte environ 250 € tvac par MWh durant la journée. La consommation moyenne annuelle d’électricité est de 3,5 MWh par ménage.
La déductibilité fiscale rapporte 2.400 € et la RW octroie 40 CV d’une valeur totale de 3.400 € de sorte que le système ne coûte quasi rien mais rapportera plus de 9.000 € d’électricité et 117 CV au fil du temps.
Les aides, encore nécessaires il y a quelques mois, sont aujourd’hui exagérément attractives. Cette année, elles auront endetté les consommateurs wallons de 3,5 millions de CV pour un montant minimal de 230 M€ (5,8 M€ par MW) et privent le gouvernement fédéral de 54 M€ de recettes, essentiellement au profit des investisseurs de PV.
Que faire aujourd’hui?
Il est donc temps de revenir à la formule Daras, soit l’octroi d’un CV par MWh, comme pour l’éolien, que complète la déductibilité fiscale fédérale.
L’installation type de 6.000 € coûtera alors 1.700 € à l’investisseur grâce au soutien de 2.400 € de déduction fiscale et de 1.900 € de CV. Ce système lui garantit une production annuelle de 1.5 MWh. Avec un financement à 6%, le prix de revient du MWh est d’environ 72 €, soit 30% du prix actuel du marché à condition d’avoir acquis du matériel de qualité garanti par un installateur agréé PVQUAL.
Cet investissement de 1.700 € offre une rentabilité d’environ 20% par an pendant 25 ans, indexé sur le prix de l’électricité qui va sans doute augmenter davantage que l’index. C’est le meilleur placement qu’on puisse réaliser.
A titre de comparaison, un investissement de 1.700 € de panneaux solaires thermiques rapporte environ 10%, ce qui reste attractif par rapport aux rendements de l’immobilier, par exemple, ou de la Bourse ces dix dernières années…
Le futur maintenant
Ce mécanisme de soutien attractif coûte moins de 1,1 M€ par MW, cinq fois moins que le système actuel pour le consommateur wallon.
On pourrait installer, par exemple, 100 MW l’an prochain pour seulement 110 M€ en créant plus de 1.000 emplois supplémentaires dans la filière. Par la suite, il sera nécessaire d’augmenter le rythme davantage pour atteindre 12.500 de MW avec une filière forte de plusieurs milliers de travailleurs.
Si le futur gouvernement fédéral décidait de réduire la déductibilité fiscale, il conviendrait d’adapter le mécanisme de soutien en augmentant le nombre de CV à moins que la compétitivité grandissante des PV ne le justifie pas.
Dans tous les cas, le gouvernement devra rester attentif à ce que le mécanisme de soutien reste suffisamment attractif pour qu’un grand nombre de Wallons décident de s’équiper tout en veillant à éviter un effet d’aubaine financier tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Ce mécanisme n’est sans doute pas attractif pour un grand producteur qui vend son MWh au fournisseur à 60 € environ. Mais est-ce un souci ? Le PV est intéressant pour l’auto consommateur en lui garantissant un prix fixe pendant 25 ans.
Laurent MINGUET
Membre de l’Académie Royale de Belgique, classe technologies et société
Carte blanche parue dans L’Echo du 16 novembre 2010